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 Le filin pernicieux

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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Dim 30 Jan - 14:21

La résistance affichée du gamin était une plaisanterie, comment pouvait-on être aussi faible ? Songea Randar. Il aurait pu le pousser avec son petit doigt que ça n'aurait rien changé à l'affaire. Evoquer la fraîcheur de l'âge n'entrait pas en ligne de compte pour le second de Xune. Alors qu'il avait dix ans, il travaillait comme extra sur les docks de Nandis, il trimait comme un fou pour gagner sa croute, charger des caisses dans les cales faisait partie de son quotidien. Outre la gnôle qu'elles contenaient, certaines d'entre elles pesaient pas loin de cinq fois son poids. Sa force herculéenne lui valut un surnom parmi les brutes du milieu ; la fourmi des sables. Ce titre ne lui plaisait pas particulièrement, mais les similitudes qu'il partageait avec cet insecte étaient bien trop évidentes pour être ignorées, même pour un esprit comme le sien. Tout comme elle, il était costaud, tout comme elle, il était endurant, et tout comme elle, c'était un morfale qui mangeait comme quatre, ou devrait-on plutôt dire ; dévorait comme quatre. Sa peau légèrement cuivrée faisait également penser à la chitine ambrée de ces petites bêtes écumant le désert de Sulmi. Bien que le surnom se perdit après qu'il eut rejoint le dragon des mers sur son Fëalókë morë, il lui arrivait d'y faire allusion lorsqu'il se retrouvait seul avec lui-même. Son parcours n'intéressait personne, qui allait se soucier du gaillard qui remplissait le ventre des navires ? Surement pas son capitaine, et encore moins ceux qui arpentaient son bâtiment. Quant à son goût pour les enfants...

Randar devait avoir quelques années de plus lorsqu'il assista malgré lui à son premier viol. Par une froide nuit d'orage, il surprit son contremaître, Brewen, malmenant une petite fille. La malheureuse ne devait pas avoir plus de cinq ans au moment des faits. Le jeune docker ne sut comment réagir au devant d'une scène aussi sordide, il voulut crier, mais ses cordes vocales étaient si serrées qu'elles demeurèrent aphones. Allez chercher de l'aide ? tous ces hommes jouissaient d'une telle ressemblance dans leur comportement qu'on pourrait les croire issus d'une même fratrie. Il ne pouvait en être sûr, mais Randar parvint à se convaincre que s'il s'en allait chercher du renfort, le calvaire de la gamine se prolongerait jusqu'à l'aube. Alors il attendit, à l'ombre de sa cachette, il ne cessait de buter sur la décision qu'il fallait prendre. Intervenir et peut-être mourir de faim, ou bien ne rien faire et essayer de comprendre ? Dans un monde comme le sien, l'intégrité ne se limitait pas à la seule force de ses muscles. S'il voulait évoluer parmi ces gens, agir comme eux semblait être le seul moyen. Mais l'initiation s'avéra bien plus atroce que tout ce qu'il aurait pu prédire. Les éclairs qui illuminaient le visage de la fillette lui laissa une impression d'horreur. Malgré la pluie qui noyait chaque surface, les larmes de la petite marbrèrent ses joues de traces grisâtres que seule une main experte saurait effacer. Et ce regard... une détresse telle que son coeur se souleva dans sa poitrine.

À mesure que la violence prenait de l'ampleur, l'orage gagnait en force, comme si tous les éléments lui criaient d'une seule voix : VAS-Y ! MORD LA VIE À PLEINE DENT ! Et alors que tout s'accélérait, Randar hurla son innocence, laquelle fut masquée par le tonnerre et les supplications de la fillette. Lorsque Brewen brama, l'adolescent sut que c'était la fin, et qu'il était temps pour lui de partir. Mais un des hommes le surprit et lui tomba dessus. Grâce à sa force il parvint à s'échapper, mais fut rattrapé quelques heures plus tard. Pensant être à l'abri dans un coin de la cale du dernier navire qu'il avait chargé, il se retrouva comme un rat pris au piège lorsque toute la troupe le cerna. Bien que la nuit demeurait sombre, l'orage ne grondait plus, la pluie était devenue si fine et légère que tout semblait mort au dehors, comme si les Dieux eux-mêmes tendaient l'oreille pour écouter la pièce qui allait se jouer. Des sueurs froides ruisselaient le long de son dos puissant, le rendant aussi mou et fragile que n'importe quels autres. Tour à tour, les hommes de Brewen enseignèrent au jeune garçon l'usage qu'ils se faisaient de ses orifices. Une de ses dents explosa sous la pression de ses mâchoires, mais outre la douleur, la victime se demanda comment il était possible d'user et abuser chacune de ses cavités, mêmes les plus insignifiantes, avec autant d'aisance. Cela n'avait pourtant rien de normal, se disait Randar. Mais lorsque sa basse-fosse fut mise à contribution, il comprit alors que cet attroupement de bêtes sauvages ne faisait que se chauffer en vue d'un effort au-delà des limites humaines...

Quand ils en eurent finit avec lui, il ne restait plus rien du petit garçon en dehors d'une plaie sanguinolente. Son corps sans force gisait sur le sol boisé, et demeura ainsi inerte jusqu'à être découvert une fois parvenu au port de l'île de Tësnu. Un mois passa, et Randar parvint à se faire engager comme matelot à bord du Fraternel. Mais il n'était plus le même. Alors qu'il aurait pu profiter d'une nouvelle vie dans la lutte contre les pirates pour le compte du gouverneur Vultinien, son traumatisme le fit basculer dans les tréfonds les plus noirs de l'âme humaine. Ses tissus avait peut-être cicatrisés, mais sa conscience elle, demeurait en morceaux. Bien que le plus pesant pour lui n'était pas tant qu'il ne savait plus où donner de la tête, mais cette immense ombre qui le suivait partout. Celle-ci n'avait rien du monstre sans visage issu d'un cauchemar de gosse, elle n'était ni effrayante, ni même repoussante. Elle était devenue pour ainsi dire, le passager noir de Randar. Une présence aussi silencieuse que pesante. Avant son agression, que l'on pouvait qualifier ici de mise à mort, le solide gaillard était apprécié pour ce qu'il était, si bien qu'il façonna son égo autour de cette expérience. Alors quand celle-ci vola en éclats, il ne restait de son vécu, si court soit-il, que humiliation. Laquelle prit alors la forme de cette ombre qui le suivait partout, obscurcissant régulièrement ces visages qui le regardaient s'afférer sur le pont. D'aucuns vous affirmerait que leur regard n'avait rien d'hostile, bien au contraire. Mais lorsque le voile du passager noir en troublait l'émotion, Randar les percevait comme des êtres moqueurs, le mettant de nouveau à nu par le simple fait de l'observer.

Trop meurtri, ou trop faible pour combattre cette ombre qui ne cessait de croitre, le jeune homme commença par se montrer violent. Et bien que ses victoires sporadiques donnaient l'impression d'apaiser la présence, cela demeurait très largement insuffisant pour satisfaire Randar. Conscient qu'il devait aller plus loin, il opta pour le meurtre d'un soldat qui avait un peu trop forcé sur la bouteille. Il put certes se défouler à loisir, mais le passager noir n'en fut qu'à peine ébranler. Il dut alors se résoudre à violer puis tuer le plus jeune fils du capitaine qui l'avait pris à son bord, pour enfin comprendre ce qu'il lui était nécessaire de faire pour reprendre le contrôle de sa vie. En revanche, jamais il ne prendrait une fillette pour cible, pas après ce qu'il avait pu voir sur les docks de Nandis. Les petits garçons n'étaient que des doubles de sa personne. En reproduisant le schéma qu'il avait lui-même vécu, Randar parvenait à ranger cette funeste nuit parmi les mauvais rêves, et à semer l'humiliation que le pourchassait depuis lors.

Après sa tentative ratée sur Le mioche et le temps qui a suivi, Randar commençait à subir les assauts de son passager noir. Et après ce qu'il venait de se passer avec cette succession d'inconnus, le second de Xune avait grand besoin de l'apaiser, c'était juste viscéral. Cependant, lorsqu'il parvint dans le réduit avec sa proie, un choc en lien étroit avec son passé résonna en lui. Le reflet du visage du garçon grimé qu'il perçut dans le ventre bombé d'une jarre en cuivre dormant sur le sol, le paralysa l'espace d'une seconde. Les coulures de son maquillage terni par l'air marin affichait une similitude effrayante avec les larmes grisâtres de la fillette. Mais avant qu'il ne put chasser ce souvenir, quelque chose de lourd et contondant heurta violemment le sommet de son crâne ! Il tenait toujours le môme, à la différence que, ses mains pesantes ne firent plus que reposer sur lui, alourdissant de leur seul poids ses petites épaules. Il eut un moment hagard, de passage à vide, puis regarda en direction du plafond. Le pied d'un meuble qu'il ne pouvait définir émergeait de sa surface d'ordinaire plane et poussiéreuse. Du sang perla de son front, puis s'effondra à genoux. Le gamin profita aussitôt de l'occasion pour fuir, et disparut dans le couloir par lequel il était arrivé. L'immense silhouette de Randar termina sa chute sur le ventre, sa tête heurtant la cruche déjà renversée dans un "GONG" semblable à ceux que l'on pouvait entendre au cours d'un office religieux.

Les autres membres d'équipage se remettaient à peine du caprice de la Fée, errant ça et là sur le pont supérieur comme des zombis en quête de chair fraîche, sans toutefois parvenir à en trouver. Mirdo eut de la chance dans sa disgrâce, à savoir qu'il évita de peu la pointe d'un récif qui dépassait de la surface de l'eau. Il avait la couleur et la forme d'un doigt squelettique, comme énonciateur de mauvais présages. Parfois les mouettes allaient s'y poser pour soulager leurs ailes, mais cette fois là, ce fut l'ancien Dieu de la bêtise qui s'y accrocha. Ne sachant guère nager, c'était là tout ce qu'il pouvait faire, attendant qu'on le sauve d'un bien cruel Destin.


[Annonce : Vous êtes pour l'heure débarrassées du P.N.J, à vous de jouer Exclamation]

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Meallán
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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Dim 30 Jan - 20:37

Je savais qu'une fois mon Musicol exécuté, l'issue serait quitte ou double. Une chance sur trois de tomber, soit sur le triangle, soit sur la contrebasse, soit sur le piano. Trop paniqué pour prévoir et définir un plan de fuite correctement élaboré en fonction de l'instrument, je me contentai de rester raide et de crisper mes lèvres sur mon piccolo, attendant l'apparition du potentiel outil qui me sauverait avant que le colosse n'ait l'idée de dégager ma flûte d'un coup de pichenette. L'ustensile ne tarda point, le raffut au dessus de nos têtes me permit de suite d'identifier lequel avait pop. Ce qui m'affola encore plus car je me vis soudainement aplatis comme une crêpe... La soudaine lourdeur sur mes épaules tendait à me confirmer ma vision mais bien qu'un peu fléchis, je me sentais encore bien vivant et dès lors que je sentis une faiblesse infime du géant, je me dégageais au plus loin de lui. Ce fût en me retournant que je compris que le balèze s'était prit le pied du piano qui dépassait du plafond. Visiblement bien sonné pour se retrouver en génuflexion en face de moi, presque comme pour me prier, l'air hagard, il s'effondra dans un magnifique "GONG" mélodieux. Le cœur battant à tout rompre, il était hors de question que je chantonne pour le soigner celui-là ! Je pris donc mes jambes à mon coup, sans réfléchir, pour remonter sur le pont, pour être entouré.

En passant un virage, je tournai la tête pour vérifier que la brute ne me suivait pas, et alors que je regardai enfin devant moi, c'est là que je vis trop tard la fée. Fée. HEIIN ?! Qu'est-ce qu'elle faisait là ?! Emporté par mon élan, je n'allais clairement pas pouvoir freiner à temps. Mes yeux s'agrandissaient à mesure que je me rapprochait d'elle, horrifiés, m'attendant à la voir s'écraser contre ma poitrine. Et alors que l'impact se rapprochait, elle changea de taille. Désormais à ma hauteur, la collision serait moindre. Heureusement qu'elle eut cette présence d'esprit ! BAAM ! Le choc net me coupa le souffle mais ne me fit pas grand mal, grâce à sa poitrine suffisamment volumineuse pour amortir le coup. Remis très vite, je regardais de nouveau en arrière, nerveux.

-  Il est dans les vapes ! Mais il faut filer et vite ! Cachons nous ! Lui chuchotai-je craintif en lui indiquant une des pièces de droite, l'invitant à s'y enfermer avec moi. La collision m'avait également remis un peu de plomb dans la cervelle. Tu es venue pour m'aider pas vrai ? Ajoutai-je timidement et hésitant. Je...Heuu. Merci ? J'étais mal à l'aise. Je me souvenais très bien lui avoir râler dessus tout à l'heure mais a priori sans rancunes, elle semblait quand même avoir bien voulu voler à mon secours... Et je n'étais pas certain d'avoir mérité cette empathie... En tout cas elle était remontée dans mon estime. Voulant dissiper ma gêne, je me dirigeai vers la fenêtre. Je me demande si on peu fuir par l'eau. Puis je vis les récifs. Ah non peut-être pas par là...mais si... Oh attends c'est Mirdo là-bas ! Il faut l'aider aussi ! Enfin, je ne sais pas comment... bredouillai-je perdu. Il n'y a pas une corde dans le coin ? Ou tu peux voler et en trouver une ?

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Énide
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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Lun 31 Jan - 15:55

Alors qu'il galopait comme un dératé, sa capuche quitta son crâne en signe de protestation. Elle gonflait derrière lui, emprisonnant l'air qu'il fendait sur son passage. Par la crevette à tête carrée de Gambil! cette tignasse! Je n'eus qu'une seconde pour la voir, mais elle s'imprima dans mon esprit à l'instar d'un souvenir traumatique dès lors où je l'aperçus! Deux mèches folles, aussi raides que des tiges de bambou, tombaient en cascade sur la partie droite de son visage. De leur pointe incurvée vers l'extérieur exhalait un sentiment de fuite, comme si les tifs cherchaient à se faire la malle. Comme je les comprenais! Quant au reste de la touffe, j'étais à peu près certaine que n'importe quel peigne vous laisserait son manche dès sa première tentative de coiffage! Tout était si sombre et terne là dedans, que j'avais l'impression qu'il les avait arrangé comme cela exprès, avant de les badigeonner de colle forte. Histoire d'être sûr d'avoir l'air bien lamentable! Lorsque nous nous rentrâmes dedans, nos poitrines s'entrechoquèrent dans un bruit sourd et soyeux. L'élan résiduel fit que mon menton passa par-dessus son épaule gauche, tandis qu'une partie de la contenance de mes poumons, après que ceux-ci se firent enfoncer, généra un trop plein d'air qui m'explosa en bouche! Me faisant ainsi expectorer souffle, salive et son! Bien que je ne pouvais me voir, je me savais calquer le faciès d'un boxeur qui se serait fait rectifier le foie! Je grimaçai encore lorsque nos corps se séparèrent. Mais quand je fis l'erreur d'inspirer en grande profondeur afin de pallier au manque d'oxygène qui résultat de cet accident, j'éructai bruyamment!

Le bruit nauséeux qui venait de faire vibrer mon larynx se propagea dans l'immensité du corridor. MAIS QU'EST-CE QUE C'ETAIT QUE CETTE ODEUR DE MERDE?!!! Je savais pourtant le gosse putride puisque j'avais eu toutes les joies de le humer sur le pont. Mais là.. on était à un tout autre level! Comment expliquer ce que je venais de subir? Quand nos masses se rencontrèrent, l'espace vide qui ondulait entre sa peau crasseuse et ses vêtements moisis, remonta depuis son col. Etrangement, j'associai cette répugnante expérience à la fois où j'eus flatulé dans la zahato d'un marchand itinérant. Profitant du fait qu'il discutait avec ses proches, je pris taille humaine pour commettre mon délit. La douce mélodie du gaz étouffée par le contenant manqua par ailleurs de me faire remarquer. J'allai me cacher, puis attendis le moment fatidique. Sa réaction quand il en déboucha le goulot fut en tout point similaire avec la mienne en ce moment. L'odeur de mon pet avait macéré durant au moins deux bonnes heures avant que ce dernier ne lui jaillisse au visage, imprégnant chaque poil de cette fourrure immonde qui parcourait son réseau nasal. Je n'avais aucune notion de ce que pouvait être le karma, ni même s'il existait. Mais fallait bien avouer que le coup de l'arroseur arrosé, était pour moi une nouveauté. Alors en dépit même de mon nez retroussé, la joie s'immisça en moi, ce fut donc sans échange ni reproche que je le suivis jusqu'à la prochaine pièce qu'il nomma; cachette.

Mes esprits retrouvés à coup de marteau iodé qui se trouvait être mon haleine, mes cheveux manquèrent de se dresser sur ma tête. C'était cette chambre qu'il choisissait comme refuge? Avoir la frousse d'un mec qui dort, je voulais bien faire l'effort de le croire, même si pour moi c'était ridicule. Mais à supposer qu'il se réveille, il pensait vraiment se soustraire à lui en demeurant ainsi figer derrière cette pauvre petite porte branlante? Il était couillon ou quoi? Un pirate de son grade connaissait généralement  son rafiot jusque dans les moindres recoins. Il y vivait H-vingt-quatre, cinq jours sur cinq, mois après mois, année après année. Pour sûr, il m'aurait paru moins débile en sautant directement à la baille malgré les récifs! Mes mains en coupole finirent par quitter la base de ma figure, affichant derechef l'intégralité de mon expression à son regard de merlan frit! Ma bouche formait une vague qui semblait s'enrouler à sa commissure droite, laquelle fut exagérée par le sourcil parallèle à cette crète qui s'éleva bien plus haut que son jumeau. Si d'ailleurs il avait pu quitter mon front, il serait déjà en route pour le pont supérieur!

Ses remerciements demeurèrent en suspension sans parvenir à trouver écho dans mes oreilles, idem pour le reste d'ailleurs. Exception faite de son ultime suggestion. J'étais tellement admirative devant ce condensé de stupidités que je ne pouvais m'empêcher de frétiller. Je venais de trouver un spécimen, et comptais bien l'user jusqu'à la corde, l'essorer jusqu'à la toute dernière goutte! Il allait par contre vite apprendre que les ordres appartenaient désormais au passé. Pas question pour moi de lui servir de chien-chien pour aller chercher telle ou telle chose, il pouvait toujours se l'arrondir! S'il voulait quitter ce rafiot, il allait devoir le faire à ma façon, sinon quoi, je filerai avant même d'avoir gouté au fruit défendu. Je me connaissais suffisamment pour savoir qu'un jouet ne pouvait me manquer si je ne l'avais pas encore essayé.

- Rêve toujours! Rétorquai-je alors que je me plantai devant lui tel un point d'exclamation. Si tu veux ta ficelle, tu prends tes jambes, tes bras, ta puanteur, et tu vas la chercher toi-même! Je terminai cette tirade par un somptueux tirage de langue. Un art que je cultivais depuis presque un siècle. Tu as une lame sous cette décharge? Demandai-je d'un ton neutre alors que je passai la tête par un des carreaux brisés qui donnait sur l'extérieur. Chouette! Repris-je soudainement joyeuse en tapotant dans les mains. Les youyous sont toujours là!

Je gloussai comme une dinde pendant que les idées se bousculaient sous ma crinière bleutée. On avait beau dire ce qu'on voulait des pirates, ce n'étaient pas des suicidaires. Ces canots tout mignon leur permettait soit de pêcher par temps de famine ou faute de réserves, soit à fuir en cas de débâcle. Tout ce qu'on avait à faire, c'était de monter à bord d'un de ces bébés! Mais avant tout, il me fallait savoir s'il était ou non nécessaire d'arracher le coutelât qui ornait la ceinture du dormeur. Je trépignai d'impatience, ce que je fis aussitôt savoir au bout d'homme!

- Allez, ALLEZ!! Radotai-je en sautillant sur place jusqu'à de nouveau lui faire face.

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Meallán
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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Lun 31 Jan - 22:41

Son " Rêve toujours ! ", tandis qu'elle se plantait devant moi, me fit rabattre ma capuche sur la tête et me tasser, tant son attitude me faisait penser à ce vieux professeur d'histoire de Silmariën : tout raide, tout sec et tout droit, lorsqu'il faisait ses remontrances à la moindre de nos âneries. Intimidé, je me sentais toutefois plus à l'abri sous mon vêtement et attendais de pied ferme les motifs de son ou ses objections. Finalement elle ne faisait pas sa prof mais sa chipie, elle ne voulait juste pas être commandée. Elle ponctua sa tirade d'un tirage de langue, rose et brillante de salive, affirmant ainsi toute sa malice qui l'enrobait. D'une certaine façon, son insouciance me détendait mais d'une autre, je me disais que je ne pouvais pas vraiment lui faire confiance. Elle osait me dire "ta puanteur" comme ça, sans pincettes. Une personne normale aurait le tact de ne pas le relever. Je me reniflais discrètement au niveau des aisselles tandis qu'elle se dirigeait vers la fenêtre et l'odeur me frappa les narines, me tirant un petit haut le cœur. Bon, oui d'accord, ce n'était vraiment pas terrible... Non en fait je schlinguais même à mort... Finalement elle savait faire preuve de modération, je devrais la reconsidérer... Je comprenais même tout d'un coup son éruction de tout à l'heure et son besoin d'auto ventilation... J'en rigolais intérieurement, me repassant cette scène dans la tête. Elle me demanda soudain si j'avais une lame sous ma décharge. Ce dernier mot me laissa échapper un petit pouffement que je dû retenir afin de ne pas laisser éclater mon rire, ce qui bien sûr m'empêcha de lui répondre. Elle tapota soudain ses mains joyeusement. Je me demandais bien ce qu'elle avait vu pour la mettre dans cet état.

- Les quoi sont toujours là ? Répétais-je bêtement. Tu voulais plutôt dire des...yoyos ? ou bien tu as entendu des youhous ?

Gloussante, elle avait de toute évidence des idées bien en tête. Dérouté par son trépignement, j'accédai à son insistance en lui tendant un de mes poignards à contrecœur. Pas question de lui donner l'autre, d'une pour me protéger et deux car c'était un des cadeaux de Crystal, j'y tenais beaucoup.

- Et...Heu...Du coup tu vas en faire quoi ? Demandai-je de nouveau tendu, en ne quittant pas des yeux mon bien. Elle ne voulait pas d'ordres mais peut-être qu'elle m'expliquerait ce qu'elle comptait faire. Tu as un plan ? Qu'est-ce que je peux faire ? En m'impliquant elle finirait par me le dire non ? Je commençais aussi à être impatient. Je voulais agir, me rendre utile un minimum puisqu'elle voulait être la directrice des opérations. Si elle restait silencieuse et voulait faire les choses dans son coin je chercherai comment renforcer la porte si jamais l'autre colosse se décidait de se relever et de partir à ma recherche. Hélas les débris autour ne me semblaient guère très utiles. Quitte à en faire parti je pensais aussi à me mettre dans un coin et à soigner ma jambe en attendant. Mes ailes me manquaient terriblement.

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Énide
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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Lun 7 Fév - 15:55

Lorsque qu'il occupa le centre de mon champ de vision, je cessai tout mouvement. Attirés par un détail étincelant, mes grands yeux se mirent à loucher sur l'objet que le gosse tendait. Il s'agissait d'une dague, une dague qui me scrutait avec insistance! Son regard pointu convoitait la face cachée de mon abdomen. Ce sanctuaire sacré qui me berçait de ses gargouillis. Allait-il fendre le gras pour le mettre en lumière? me disséquer pour voir comment Énide marchait? Nullement intimidée, mon expression faciale se chargea de le lui faire comprendre. Quoi?! Lançai-je en silence. Il voulait quoi? me découper? m'éplucher? me détrousser? Il fallut que mon attention s'envole jusqu'à son visage d'enfant pour capter son propos. Ah! au lieu de simplement me dire "oui j'ai une lame", lui me la donnait carrément! Sérieusement, j'avais une tête à me balader avec ce genre de truc? Je n'en voulais pas de son bazar! Ce que je lui fis aussitôt comprendre en pinçant des lèvres avant d'agiter frénétiquement la tête. Puis sa curiosité entra en scène, il voulait savoir ce que je voulais faire. Personnellement, je ne l'aurais pas formulé ainsi. Assumant la folie qui circulait en moi, et ce dont j'était capable d'en faire, j'aurais balancé: Et maintenant, que va t-il se passer? Car lorsqu'Énide entrait en action, TOUT LE MONDE était concerné, et ce, que je le voulais ou non, c'était ma marque de fabrique, en quelque sorte..

Cependant, pas question pour moi de le mettre dans la confidence! Je n'allais pas gâcher l'effet de surprise tout de même? Quant à savoir si j'avais un plan, c'était peu de le dire! Mais pour le mettre en pratique, il fallait déjà remonter jusqu'au pont supérieur, ce qui impliquait de s'exposer. C'était tellement excitant! Les ailes rabattues derrière mon dos, je passai devant l'encapuchonné pour me rendre jusqu'à la porte. La main posée sur la poignée oblongue à la parure dorée, je me mis à gondoler suite à une idée nouvellement greffée. L'air farceur, presque narquois, qui arpentait mes traits, trahissait une bêtise en devenir. Je voulais laisser une trace de mon passage à ces gens qui, selon moi, avaient grand besoin de se décoincer l'arrière train. Un bon coup de gouache sur tout ça, et leur vie s'en retrouverait plus colorée que jamais!

- Planque bien ton bistouri et suis-moi! Indiquai-je au peinturluré entre deux pouffements. Son rôle sera déterminant pour libérer le youyou. Acceptai-je finalement d'avouer. Puis j'ouvris la porte, et entreprit de remonter le couloir. Ne sois pas trainard, on n'aura pas de seconde chance!

J'avais chuchoté les derniers mots, car dès l'instant où la pointe de mon pied fit grincer le parquet qui drapait le sol du corridor, il n'y avait plus de retour possible. Lorsque j'entreprenais une action, je ne revenais jamais en arrière! Si un obstacle se dressait comme au train fantôme, j'y ferais face et le materais! comme je l'ai toujours fait. Ainsi voutée, les jambes fléchies, j'écourtai la distance qui me séparait de l'escalier. Me mettant au même niveau que le barbouillé, je me refusai de tricher en faisant usage de mon rapetissement. Simplifier les choses ôtait tout l'intérêt qui les caractérisait, c'était bien plus drôle de prendre le danger à bras le corps!

Le rafiot craquait sinistrement, comme s'il gémissait. Implorant pour qu'on lui retire sa monumentale écharde. Pas de bol! Car sa position actuelle me convenait très bien, j'irais même jusqu'à dire qu'elle était capitale pour le bon déroulement des évènements. J'abordai l'escalier lorsque je jetai un oeil par-dessus mon épaule, et quand je fus assurée d'être toujours suivie par qui vous savez, j'entrepris de braver les marches. La paume de ma main glissa sur le parapet tout au long de mon ascension, captant chacune des vibrations qui parcourait le navire. Le pas des moussaillons qui écumaient le pont était plus franc, plus véloce qu'avant ma précipitation jusque dans le ventre de la caravelle! La bergère dans les vapes, les moutons s'affolaient. Parfait, j'allais pouvoir utiliser le tohu-bohu pour me faufiler discrétos! Ce que je ne manquai point de faire.. désormais à quatre pattes, je trottinai à l'ombre des différents débris qui jonchaient çà et là. Trop occupés à graviter autour de leur capitaine, les hommes n'eurent même pas la décence de me compliquer la vie!

- Psst! Sifflai-je à l'attention du gamin alors que je sautai en ciseaux directement dans le youyou. Emergeant depuis l'autre côté du rebord, je moulinai de la main pour lui intimer de se grouiller.

Deux cordages retenaient l'embarcation à chacune de ses extrémités, je m'empressai donc de dénouer celle qui entravait la poupe. Se faisant, le canot glissa jusqu'à s'orienter en diagonale face à sa prochaine destination, soit entre le versant bâbord et l'arrière du navire. Le bruit qui en résulta avait très certainement dû alerter les gens en présence.

- Tranche le filin! Chevrotai-je d'excitation. J'avais bien entendu pris soin de lui indiquer de mon index à quoi je faisais allusion.

La position du youyou était juste impeccable. Situé juste après le cratère que la chute du meuble avait engendré, l'inclinaison du rafiot nous offrait un toboggan absolument superbe! Autrement dit, lorsqu'il aura sectionné la corde de chanvre, le barbouillé et moi-même entreprendront une descente en luge jusqu'à percuter la rambarde qui nous séparait du vide! Un plongeon de plus de douze mètres nous attendait, et je n'avais qu'une hâte, en ressentir les effets! Néanmoins, je n'avais guère oublié la bêtise que je réservais aux passagers de cette arche perdue. Je sautai alors sur mes pieds afin de m'afficher aux yeux et à la barbe de tous, je sifflai entre mes doigts de façon à également captiver l'attention des plus lents. Certaine de leur écoute, je recourus à l'entropie! Dans quelques secondes je serai hors de portée, je n'avais donc guère besoin de me soucier des conséquences.

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Le Destin
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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Lun 7 Fév - 15:55

Le membre 'Énide' a effectué l'action suivante : Dédé


'Énide (Entropie)' :
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Énide
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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Lun 7 Fév - 16:50

Il ne m'était point utile de faire parler mon corps pour permettre à mon pouvoir d'éclore. Pas de gigotements de doigts, pas de balayage des bras, ni de danse du feu, rien de tout ça.. Aussi, rien ne laissa présager de la soudaine apparition du portail qui jouxtait ma barque. Heureusement que je fus précautionneuse quant à mon emplacement, car si j'étais restée plus au centre du youyou, on aurait dû se faire à l'idée de se coltiner une sirène! Aussi, lorsque la sphère d'eau explosa, un nouveau membre arpentait désormais le pont du navire.

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Le Destin
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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Lun 7 Fév - 16:50

Le membre 'Énide' a effectué l'action suivante : Dédé


'La queue de poisson ' :
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Meallán
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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Lun 7 Fév - 23:34

Mon arme tendue, j’attendais que la fée daigne le prendre mais elle n’en fit rien. Elle avait tout bonnement arrêté de gesticuler pour loucher sur mon poignard. Je ne comprenais pas sa fixation : elle avait bien demandé une lame et s'en était bien une non ? Peut-être admirait-elle l'objet ? C'est vrai qu'il était très beau le cadeau de Crystal, très élégant, de facture elfique. Elle ne devrait donc pas douter de son tranchant car il était aussi efficace que son esthétique était fascinant. Mon mentor avait tenu, avant de retourner suivre sa voie, de m'offrir ce présent de valeur et utile pour me protéger. Je l'ai même soupçonné d'avoir prédit mes ennuis quand elle me soumit son jumeau... Toujours en attente de sa récupération, je décidai de l'agiter légèrement devant mon interlocutrice qui ne semblait toujours pas comprendre et semblait même me défier. Je me rendis compte alors que je dirigeais la pointe vers elle et non la poignée. Quel imbécile je faisais, me dis-je, elle croyait peut-être que je voulais la menacer ? Je n'avais aucune envie de me retrouver en robe... Je lui fis alors un signe de tête pour qu'elle le prenne mais secoua sa tête négativement. Bon au moins je le gardais, pensais-je moyennement rassuré. Lorsqu'elle passa devant moi je crus qu'elle voulais m'abandonner et je me préparais mentalement à de nouveau paniquer, surtout qu'elle allait vers le couloir.

Entre deux pouffements, elle m'invita à la suivre et m'indiqua son plan. Bien que je ne savais toujours pas ce qu'était un youyou, j'obéissais, après tout je n'avais rien de mieux à faire. J'ignore si c'était son intention mais le fait qu'elle gardait sa taille et savait se faire discrète, malgré quelques grincements du sol, me rassurait énormément, me donnant vraiment l'impression qu'on était dans le même bateau... Au tout début du couloir, j'étais vraiment nerveux et regardais successivement derrière puis le sol devant, essayant d'éviter les lattes bruyantes de mon éclaireuse, tout en imitant sa posture. Je refusais de rester à la traîne, très proche d'elle, je pouvais humer de ses cheveux une odeur qui ressemblait à celle des algues. Je ne pus m'empêcher d'être très rapidement hypnotisé par ses ailes. Du bout des doigts, je les caressèrent avec respect, frissonnant à leur contact. Elles étaient lisses à certains endroits. Si seulement il y avait moyen que les lui emprunte... Je retirai vivement mes mains lorsqu'elle se retourna. J'ignore si elle m'avait vu les tripoter mais elle avait dû apercevoir ma mine coupable...

Arrivés en haut des escaliers, on pouvait voir l'équipage agité. Sans maître à bord, c'était plutôt normal, ce qui rendait encore plus dangereux leur comportement. Sans laisse, je n'avais aucune envie de me retrouver avec un Randar bis aux trousses. Désormais à quatre pattes, on continua notre bonhomme de chemin sans faire de rides. Étonnement ce fût facile. Arrivés au bout du bateau, la fée sauta bizarrement dans le canot et m'incita à en faire autant. Il était hors de question que je me rétame en voulant calquer son saut. J'enjambai alors simplement l'obstacle. Ma guide défit des nœuds qui maintenaient l'embarcation, le faisant frotter désagréablement et bruyamment le parquet. Il ne restait qu'un seul maintient : la fée confirma le rôle principal de ma lame, trancher le filin ! Mais elle est folle pensais-je, et j'étais tout aussi cinglé de m'exécuter car je savais que si je ne faisais rien, l'équipage nous tomberait dessus tôt ou tard... Comme si cela ne suffisait pas, la fée décida de s'exposer puis de leur signaler notre départ en leur sifflant dessus. Située au bout de l'embarcation, une bulle d'eau apparut devant elle puis explosa au moment où le canot entamait sa descente. À la place de la sphère avait surgit une...sirène. Sentant la dégringolade, je voulus attraper le vêtement de la fée pour la faire assoir mais...rien, il n'y avait rien entre mes doigts. J'agrippai alors ses cheveux et la tirai en arrière. Rester debout était de la folie, je l'incitai à se coucher le plus possible pour ne pas trop subir les secousses ou à changer de taille. Je m'agrippai comme je pouvais au sol, crispé. Je transpirais, j'avais peur, attendant le ou les moments fatidiques.

Le choc fut violent, les fesses plates du canot heurtèrent la rambarde. Je pouvais deviner sans problèmes les éclats de bois s'éparpiller, au moins ça d'éviter. Couché, je comptais sur mes jambes un peu fléchis, telle une grenouille, pour amortir ma collision avec le fond de la barque mais je fus projeté hors de la monture bien loin devant. Malgré l'adrénaline et la peur, je ressentis brièvement la sensation de voler de nouveau. Puis je vis l'océan se rapprocher très vite de moi. Trop vite. D'un bras je me couvris le visage, et sans trop savoir pourquoi, mon autre main s'agrippa à la ceinture qui retenait mes dagues. Sans doute une peur inconsciente de les perdre après mon plongeon... Au contact de l'eau, mon os se brisa, me rappelant incontestablement ma nature fragile de fée. J'hurlai ma douleur dans un flots de bulles...

[Intervention P.N.J : Merci de ne plus poster jusqu'à ce que celui-ci soit fait Exclamation]

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P.N.J
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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Mer 9 Fév - 1:35

Le filin pernicieux - Page 2 Sirr10

Ils durent se séparer dans la précipitation. Shurini en fut par ailleurs extrêmement contrariée ! La cause ? Un assaut d'un nouveau genre serait en train de faire rage au coeur même de Thelxépia. Interrompue en plein ébat, la Sirène n'éprouvait qu'un désir, éponger sa frustration sur ses ennemis ! Mais alors qu'elle filait en direction du Dôme, l'environnement se brouilla, ou bien était-ce sa vision ? Fermant les yeux et secouant la tête, la sorcière espéra se débarrasser de cette sensation à l'instar d'une inscription dans le sable estompée par reflux de l'océan. Mais lorsqu'elle hissa ses paupières, ce fut une lumière aveuglante qui l'accueillit ! Puis l'eau s'effondra tout autour d'elle dans un ronflement caractéristique. Agressée par l'air qui succéda à son milieu aquatique, Shurini cracha le fluide pélagique que contenaient ses poumons dans un râle des plus disgracieux. En dépit de cela, son regard argenté s'hasarda sur une embarcation qui léchait bruyamment le bois sur lequel elle reposait, pour foncer en direction des flots. Evidemment, la Sirène fut incapable de déchiffrer la situation, si tant est que celle-ci eut un sens ! Le fracas qui se produisit lorsque cette dernière heurta le bastingage, les cris qui s'élevèrent derrière elle, puis le silence qui s'en suivit... Pour Shurini, tout ceci n'était rien de moins qu'un délire onirique, une ruse de l'adversaire, très certainement. Néanmoins résolue à se défouler, la sorcière entreprit de changer de forme afin de s'adapter à son nouveau milieu, chose qu'elle maîtrisait parfaitement. Pour son bien, le sang allait couler, et les cadavres s'empiler !

Trente minutes plus tôt...

Pas question pour elle de manquer l'allocution d'Amriel ! Une pensée plus qu'une envie qui la traversa pour la troisième fois consécutive. Comment renoncer à ses doigts agiles ? à la grâce de son coup de nageoire sur ses hanches bombées ? à ses lèvres si attentionnées à l'égard de son intimité ? Non, décidément, c'était trop lui demander. Nish'ila pouvait bien la châtier, cela n'éclipsera point la douceur de ce moment. Tous deux s'entortillèrent lorsqu'une première alerte fut donnée. D'après les échos qu'elle daigna comprendre, il y aurait du grabuge dans le palais de l'élu. Surfant sur son petit nuage, Shurini n'y accorda aucune espèce d'importance, pas plus que son compagnon d'ailleurs. Puis il lui susurra des mots doux dans la partie inconsciente de son esprit, jusqu'à l'enivrer d'un plaisir absolu. L'intensité de l'instant fut cependant brutalement interrompu lorsque l'annonce d'une attaque imminente résonna dans toutes les têtes ! Shurini s'en moquait bien sûr, selon elle, ils avaient bien le temps de conclure avant que l'ennemi ne soit sur eux. Mais son amant ne l'entendit pas de cette oreille. Aussi, avant même qu'une occasion de le retenir ne se présente, celui-ci avait disparu, l'abandonnant ainsi à la solitude de son alcôve.

Blessée, meurtrie, bafouée... Shurini rumina longuement avant de se rendre à l'évidence. Pour lui elle n'était qu'un trou et rien d'autre ! Sa tendresse fallacieuse n'était qu'une preuve de plus à mettre sur le compte de la perfidie qui l'habitait. Bien qu'il ne lui ait jamais manqué de respect, ni même menti, la Sirène ne pouvait contenir cette haine qui se déversait en elle. Comment pouvait-il lui préférer Esnyle ?! Le fait qui l'eut épousé ne revêtait en soi, aucun problème. Nombre de Sirènes avait recours à la polygamie pour que le ciment du couple demeure. Ces alliances n'étaient en fait qu'une formalité, et tout ça pour quoi ? Alimenter l'espoir de façonner l'élu tant attendu. Les prêtresses ayant décrété que Ciryandil complétait les gènes d'Esnyle, incitèrent ces derniers à se lier l'un à l'autre, ce qu'ils firent. Sous ces airs d'époux attentionné, Ciryandil souffrait d'un mal que seule une méconduite pouvait soulager. En digne héritier de son père, celui-ci trompa sa femme avec Shurini. Se haïssant toujours plus chaque fois qu'il se rendait jusqu'à son alcôve. Il savait pourtant qu'il ne pouvait faire autrement, c'était devenu pour ainsi dire ; une nécessité ! Il aimait sincèrement sa famille, mais ce démon le rongeait plus profondément qu'aucune lance ne saurait le faire. Ce fut pour cette raison qu'il n'hésita point à laisser Shurini dès que l'alerte fut donnée. Il devait mettre les siens en sureté !

Le schéma de son paternel était cependant plus fidèle qu'il ne le pensait, car son amante attendait de lui un triste évènement. Oui, triste ! Car après la manière dont il venait de la lâcher sans même lui fournir une explication, Shurini se sentit plus humiliée que jamais. Elle qui voulait justement lui en faire la surprise ce matin là, se retrouva bien démunie face au vide qu'il venait de laisser...

Alors maintenant qu'elle se retrouvait sur le pont d'un navire en partie esquinté sans raison apparente, la Sirène bafouée comptait bien rééquilibrer la balance en libérant tout son amour, toute sa haine, et par-dessus tout, toute sa puissance sur les longues-jambes qui se dressaient derrière elle ! Les mains crépitantes d'arcs électriques, Shurini se laissa néanmoins surprendre au moment où elle se retourna ! Enroulées dans sa queue qui n'avait pas encore entamé le processus de transformation, une jambe absolument monumentale secoua le sol qui la supportait, manquant de la faire rebondir. Saisie, la Sirène releva la tête pour voir le visage du titan. Jamais encore elle n'avait vu pareille barbaque, si bien qu'elle en fut momentanément tétanisée. Offrant à ce dernier tout le temps nécessaire pour faire ce qu'il avait à faire, Shurini ne prit pas garde à ses monstrueuses mains qui s'en venaient saisir sa queue. Outre la laideur abjecte que ses traits reflétaient, les yeux de la Sirène ne parvenaient plus guère à se décrocher de la bosse sanguinolente qui campait sur son crâne. Elle était si enflée qu'elle donnait l'impression qu'une seconde tête était en train de lui pousser. Hélas Shurini n'eut guère l'occasion de s'y appesantir, puisque d'un geste ample et circulaire, le colosse déroula l'infortunée Sirène en la projetant haut dans les airs, avant de la claquer face la première contre le bois du navire ! Le bruit fut semblable à celui d'une pastèque qui éclate sur le pavé.

Dès que l'impact survint, l'Ondine rendit l'âme, mais cela ne suffit point à calmer le géant qui fracassa la malheureuse par quatre fois contre le Fëalókë morë ! Un SPAF en direction de Barat, un SCRATCH en direction de Timur, un SPLOC en direction de Seletan, et pour finir, un SLACH en direction d'Utara. En partie vidée de ses fluides corporels, la peau de la Sirène, sa poussière d'os et sa tripaille, furent sommairement balancées par-dessus bord, amerrissant non loin de Mirdo. Satisfait du sang qu'il venait de répandre, Randar bouscula les moucherons qui s'amassaient autour du dragon des mers, souleva son buste, puis lui administra une paire de gifles. Il beugla son titre une fois, deux fois, trois fois, le secoua violemment. Et lorsqu'il en eut assez, il le laissa retomber. Sa tête le faisait atrocement souffrir, il ne savait plus quoi faire... Quant à Mirdo, voyant ce qui flottait tout près de lui, préféra demeurer aussi silencieux que possible, et ce, même si ses doigts commençaient à sérieusement se friper à force de faire trempette.

[Annonce : Vous êtes pour le moment esseulés, à vous de jouer jusqu'à la prochaine intervention Exclamation]

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Énide
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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Mer 9 Fév - 17:55

Quand sa coquille d'eau de mer se brisa, la sirène m'apparut flasque et visqueuse.. Eblouie par l'aurore, ses yeux renfoncés lorgnèrent dans ma direction, ou plutôt celle du youyou qui amorçait sa descente! Quand la corde fut sectionnée, cette dernière claqua comme un élastique, puis flagella l'air. De là, mes ailes se mirent à papillonner pour préserver mon équilibre, m'assurant de la sorte, une certaine stabilité en dépit du perchoir qui me fuyait. J'aurais pu demeurer ainsi jusqu'au bout, si ma coiffe n'en n'avait point décidé autrement! J'en tombai sur le derrière, sans que mes pieds n'aient pour autant quitté leur plateforme. Les jambes en l'air, mes mains en appui dans le fond du canot, je me retrouvai nez à nez avec le barbouillé! Mes excroissances de fée s'immobilisèrent, tandis que mes gros yeux louchaient sur la poigne qui enserrait ma tignasse. Il m'avait prise pour un canasson le bougre?! Songeai-je alors que je m'abandonnai peu à peu à la frustration. Huhuuuu Énide, huhuu! Enfin.. s'il s'agissait de freiner, se serait plutôt: Ho.o.o.o.oooo.. brave fille! Entretemps il m'eut lâché, mais le mal était fait! Je voulais assister à toute la scène moi! Je n'avais aucunement l'intention de rester prostré comme une grenouille en pleine gestation! Depuis les tréfonds du youyou que j'apparentai de plus en plus aux murs d'une prison avec lucarne sur le monde, je n'entrevis de l'extérieur qu'un ciel qui se narguait de moi! Lui pouvait TOUT voir, tandis que moi.. Je ne pus cependant le gronder, oh ce n'était pas l'envie qui me manquait, mais.. Mes sourcils s'eurent à peine froncés qu'un choc survint, expédiant le garnement par-delà l'espace et le temps!

Précédant l'impact, mon instinct me criait de voler, mais comme d'habitude, je n'en fis qu'à ma tête. Quand le barbouillé fut éjecté, je lui aurais normalement dit: Vas-y gamin, envole-toi! sois liiiiiiiibre! Et ce, tout en le saluant de la main. Mais au lieu de ça, ce fut la douleur! Au moment de l'accident, mon épaule droite heurta violemment l'un des bancs d'assise qui traversait l'embarcation dans sa largeur. Ma bouche s'ouvrit tout grand, tandis que mon autre main alla se poser d'elle-même sur la zone meurtrie. La souffrance fut telle que l'air resta prisonnier de mes poumons! J'étais incapable de crier, et je vous assure que j'aurais préféré pouvoir! En proie au supplice, hurler sa douleur permettait d'en évacuer une partie. Inutile de vous rappeler que je suis une fée, et qu'à ce titre il m'est facile d'agoniser. Des larmes jaillirent de mes prunelles dilatées, lesquelles furent masquées par des paupières si plissées que seuls les sourcils subsistèrent.. Je ressentais l'inclinaison du canot, mais ne la relevais point. J'avais mal, trop mal.. Un petit gémissement finit cependant par se frayer un passage dans ce boyau étroit que dissimulait ma gorge. Une plainte si discrète qu'elle ne pouvait être entendue que de moi seule..

En dépit des élancements qui me parcouraient, j'étais convaincue de pouvoir reprendre le dessus avant que la cascade ne se termine. Je m'imaginais déjà à genoux, la main droite posée sur le rebord du canot, tandis que l'autre ne se décollerait point de mon épaule. Je me voyais observer la chute le regard chargé d'un millier d'étoiles, et le sourire jusqu'aux oreilles au moment où l'embarcation embrasserait l'océan! Si seulement cela avait pu être autre chose qu'un fantasme..

Quand le crash survint, j'étais toujours au fond du youyou, pleurnichant sur mon sort. Mes lèvres avaient à peine eu le temps de se rapprocher l'une de l'autre, que la poupe s'enfonça dans les flots! Le plat que l'on fit tassa mes vertèbres, au point de faire remonter mon coccyx jusque dans mes joues. J'eus craint, l'espace d'un dixième de seconde, devoir supporter le gout de mes lamentations intestinales pour le restant de mes jours.. Heureusement alors que ce ne fut qu'une impression. Quand le remous retrouva un semblant de calme, je constatai avec soulagement que j'étais toujours entière. En dehors de l'immonde bleu rectiligne qui tatouait mon épaule, mon aspect extérieur demeurait inchangé. Mais en dedans.. je n'étais que cris, pleurs et larmes. Je ne parvenais plus guère à penser clairement, et hormis la douleur, je ne ressentais rien d'autres. Ce qui dissipa l'illusion de ma robe. Je tremblais, mouchais, comme une petite fille terrifiée. Puis je me résolus à bouger. Paradoxalement à ce que j'éprouvais, mon corps répondit par la positive à chacun des signaux que lui envoyait mon cerveau, ce qui eut le mérite de me surprendre. Finalement, bien que très lentement, je parvins à me hisser jusqu'au rebord qui ornait la poupe.

Mes yeux rougis émergèrent du youyou, et purent ainsi contempler la vasteté de l'océan. Mais ce fut un minuscule détail qui s'imposa à l'immensité. Un peu plus loin, je dirais à dix, voir quinze mètres de là où je me tenais, une tâche sombre ne cessait de briser la frontière qui délimitait les profondeurs du plein air. L'esprit embrumé, je ne reconnus pas immédiatement le barbouillé, surtout si une bonne partie de son maquillage avait fichu le camp. Il fallut néanmoins que je m'attarde un instant de plus pour remarquer l'état de son avant bras! Il était littéralement cassé un deux! Lorsque celui-ci m'apparut, je grimaçai au-delà de ce que ma propre douleur affichait. Il allait mourir si je ne faisais rien! Aussi je me surpris toute seule lorsque je me mis à m'afférer sur le canot. Oubliant momentanément ma douleur, j'attrapai un cordage dormant dans la cantine qui me supportait, la nouait à deux des bancs d'assise de façon à ce qu'il puisse s'agripper lorsque je l'aurais rejoint. Le coup des rames allait par contre s'avérer beaucoup plus compliqué! Celles-ci étaient fixées sur chacun des côtés, je pus donc facilement y accéder, mais c'était louuuuuuuuurd.. Par deux fois je manquai de me casser la fiole simplement en les positionnant dans les attaches prévues à cet effet. Et juste avant de me mettre à ramer jusqu'à lui, j'hurlai aux limites de la rupture!

- ARRÊTE DE COULER!! J'ARRIVE LÀÀÀÀÀÀ!!!!

Mes pauvres bras, et mon épaule.. aïe! J'étais toujours nue et m'en moquais, l'urgence était ailleurs que dans les froufrous. Puis je me mis à ramer, oui oui, à ramer! Si un jour on m'avait dit que je ramerai, j'aurais ris aux éclat jusqu'à n'en plus pouvoir. Et pourtant, c'était bien ce qu'il se passait.. Mes muscles bandaient, puis débandaient, presque inexistants, je ne pouvais les voir. En revanche, je les sentais bien, oh ça oui alors! Allez, encore quelques mètres.. OH HISSE!

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Meallán
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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Mer 9 Fév - 21:32

La douleur était épouvantable, je souffrais, j'hurlais, je coulais, j'avais peur. Rien n'allait. En plus d'avoir ma vision réduite par mon geyser de bulles, l'eau salée me piquait atrocement les yeux ainsi que les moindres gerçures sur ma peau abimée par le vent salin et le manque de toilettes. Fermant mes mirettes, j'abandonnais mes poignards, toujours accrochés, pour le secouer le plus vite possible de haut en bas, tout en battant des pieds, dans l'espoir pitoyable de remonter. Je m'enfonçais dans les ténèbres, inéluctablement, peu importe mes mouvements. Mon vêtement imbibé de liquide m'alourdissait, m'entravait insidieusement, souhaitant sans doute devenir mon linceul. L'air me manquait aussi, déjà. Devais-je me résigner à finir ainsi ? Seules les élancement violents dans mon bras me rappelaient, à l'instar des sonneries d'une alarme, mon appartenance au monde des vivants. La fatigue commençait à m'engourdir mais je voulais encore me battre, je ne voulais pas terminer comme Alkanor, à nourrir les poissons, les crabes et autres immondices des fonds maritimes. Hélas, je ne voyais pas ce qui pouvait me sauver. Je commençais à lancer des prières destinées à n'importe quelle divinité qui pourrait m'entendre quand soudain, je sentis quelque chose de dur sous mes pieds. Le sol me parut peu probable, je supposais alors, à une partie de récif. Ni une ni deux, je fléchissais au maximum mes jambes pour rebondir sur ce support qui, grâce aux Dieux, la chance ou je-ne-sais-quoi, était solide. Je me propulsais alors, profitant de mon élan, pour réatteindre la surface.

La tête hors de l'eau, j'inspirais au maximum, buvant quelques gorgées au passage, me faisant tousser, cracher. Gonflés d'air, mes poumons me permettaient de maintenir un peu ma caboche en surface. Je voulais croire que quelqu'un me verrait, me ramasserait. Je voulais crier mais je n'émettais que des bruits gutturaux. J'ouvris mes yeux, bien qu'ils me brulaient. Très vite ces derniers pleurèrent, pour les purifier. La vue brouillée, je n'avais aucune idée de la direction prendre, si tant est que j'arrivais un peu à me déplacer. Un voix familière me fut salvatrice. La fée ! Elle était vivante, dans le coin. Enhardi par cette bonne nouvelle, je m'efforçai de tenir, de m'orienter et de me diriger vers elle. J'étais à bout de force mais je n'avais pas le choix. Puisant dans mes ultimes ressources, je finis par distinguer une grosse forme, le canot devinais-je. J'aurais pensé qu'il aurait coulé lui aussi mais non. L'autre silhouette dedans était sans doute la fée. Et elle...ramait ? Vraiment ? Pour moi ? J'en aurais pleuré de joie mais là j'étais trop concentré à survivre. Je m'épargnai la parlotte pour préserver ce qui restait de moi.

Enfin. Enfin ! Enfin elle était là ! Je me savais trop épuisé pour monter à bord. Je cherchai alors une quelconque prise le long de la barque. Je trouvai le cordage mis à ma disposition et m'y accrochai, telle une moule à son rocher. Je me laissai simplement trainer, me reposant d'une certaine façon.

M..M.Merci, lâchais-je le souffle court, haletant. Tu tu m'aides à me hisser ?

Je me tortillai pour essayer de mieux la cerner mais seule sa tête m'apparaissait. Elle ne semblait pas en forme, bien loin de son visage détendue, elle était plutôt crispée, comme souffrante. Ses yeux étaient un peu rougis, comme lorsqu'on avait beaucoup pleuré. Je ne comprenais pas son état mais j'étais prêt à l'aider à mon tour, dès que possible.

- Ça va toi ? Lui demandais-je en m'efforçant de bien articuler à cause des vaguelettes qui me heurtaient. Je peux me soigner, ajoutai-je en lui tendant avec hésitation mon bras brisé. Han... gémissais-je avec douleur. han... Répétai-je d'une voix presque éteinte. Re-redresse le, dou-douc'ment ! criai-je avec souffrance. Je chante, me dérange pas ! J'entamai alors ma mélopée, je la fis courte de façon à ce que la douleur soit nettement bien amoindrie et l'os un minimum ressoudé. Apaisé, je lui indiquai la direction de l'autre naufragé. Mi-Mirdo... par là... on y va ?

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Énide
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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Jeu 10 Fév - 16:59

Mes poignets et mes coudes commençaient à trembler d'une manière inquiétante. Ankylosés par le travail que je ne cessais de fournir, les membres sollicités tressaillir au point de me faire saccader! Le fait d'appuyer sur les manches pour sortir les pales de l'eau, plier mon dos jusqu'à avancer mon menton par-delà mes genoux, lever les bras pour replonger les rames, puis me redresser tout en tirant vers l'arrière.. c'était trop me demander! Je dus faire un effort sur-fée pour ne pas lâcher, croiser les bras, me retourner, et bouder.. Surtout que.. le youyou était à l'envers, ce qui ne facilitait guère la manoeuvre! Mais à quel moment aurais-je pu faire un créneau, hein? Le temps que je m'y emploie, le gosse aurait fait glouglou! Alors quand je l'eus enfin rejoint, je soupirai longuement entre deux halètements. Il s'agrippa à la corde que je destinais à cet effet, puis me remercia. Je n'étais par contre pas certaine d'identifier l'action qu'il couronnait de ce merci. La descente en luge? le vol plané? le bain? Bref, actuellement cela m'importait peu, voir pas du tout. Complètement lessivée, je me décrochai de ces maudites rames pour m'accouder sur le rebord qui surplombait le barbouillé. La tête reposant dans le creux de mes mains, j'haussai un sourcil indigné lorsqu'il me demanda de le repêcher! Mon visage empourpré dégoulinant de sueur ne suffisait-il point à le renseigner sur ma piètre condition physique? Outre cela, il n'était pas question de fournir ne serait-ce qu'un effort de plus! Je venais de faire mon sport pour le siècle à venir, s'il voulait remonter, il allait devoir se débrouiller tout seul!

Le clapotement des vagues contre la paroi boisée du canot me fit presque oublier ce que je venais de vivre, j'ai bien dit: presque. Puis la voix du gamin retentit derechef. Est-ce que j'allais bien? Bien sûr que non! je n'allais même pas bien du tout! Je venais de RAMER bon sang de tête à claques! Le fait que je m'abstienne de tout commentaire était seulement dû au fait que je n'en avais pas la force. Il pouvait donc se targuer d'être un sacré veinard! Un peu plus loin, il bredouilla pouvoir se soigner.. Ah ben contente pour lui, mais en quoi ça me regardait? Il pouvait bien faire ce qu'il voulait sans tenir compte de ma présence!

Je m'interrogeai toutefois sur un point! Comment, avec toute la crasse que je lui attribuais avec son parfum de fosse-sceptique, la surface pouvait ainsi demeurer lavée de toute impureté? Pas la moindre nappe huileuse à l'aspect arc-en-ciel, ni la plus petite croute! J'imaginais même voir quelques poissons crevés remonter dans son sillage, retraçant de leur cadavre, la trajectoire du poisseux. Mais non, rien de tout ça! Serait-ce coller au point que même l'eau de mer n'y pouvait rien? Si tel était le cas, raison de plus pour le laisser barboter.. Malheureusement pour moi, ce fut une vision d'horreur que me rappela à la triste réalité. Ce bras! CE BRAS! Je reculai sèchement, manquant de tomber à la renverse.

- BAAAH! ça ne va pas non! M'insurgeai-je. Range-moi ça! TOUT DE SUITE!

Si cela n'avait pas été si douloureux à regarder, peut-être m'en serais-je amusée. Mais là.. bouuuh quelle horreur! C'est qu'il insistait en plus! Il gémissait, implorant mon concours.

- Non c'est NON! Confirmai-je bien à l'abri au fond du youyou.

Il se plaignit une seconde fois, et là, le son de sa voix me fit tiquer.. Rhaa! elle ne pouvait pas se taire, cette fichue conscience?! J'étais pourtant certaine de l'avoir enfermée à triple tours quelque part. Oui! j'étais responsable de son état, et après?! Était-ce une raison pour supporter pareille vision? Dire que j'étais encore loin du compte, car voilà qu'une nouvelle demande émergea depuis l'extérieur.

- QUOIIIIIIII?!!!! M'écriai-je à la fois écoeurée et paniquée.

Après le canasson, il me prenait pour une fée-infirmière?! Il n'avait cas se le soigner en l'état! Songeai-je toute tremblante. Rien qu'à me voir le toucher.. le remettre dans l'axe, puis le faire craquer! Aaah au secours quoi!! Je fais quoi je fais quoi je fais quoi?!! Me miniaturiser et partir à l'autre bout d'Astrune? ou bien cesser de faire ma chochotte et expérimenter l'inconnu? La deuxième option était plus dans mes cordes, pour sûr. Je m'appliquai donc à me déplier. J'eus l'impression que mon corps s'était calcifié tellement j'étais crispée. Revenir pour le simple fait de souffrir était une terrible épreuve, surtout que je ne faisais rien pour moi là! Lorsque je fus revenue, j'espérai qu'il ne soit plus là, que la corde se soit rompue et qu'il ait coulé. Mais une fois de plus, je me fourvoyai. Le gosse, ou devrais-je plutôt dire; le bras cassé était toujours là! Une immonde grimace occupait mon visage pendant que mes mains hésitantes, allaient tâtonnant à la rencontre du troisième type.

- Hmmmmmmmmm! Bourdonnai-je les lèvres blanchies tellement je les pinçais.

Ce n'était pas la bonne méthode! Je ne parviendrais à rien en flippant comme ça. Profitant alors de l'ambiance pesante qui s'était installée, je dressai mes ailes dans mon dos avant de littéralement plaquer mes gros yeux contre les siens. Par cette folie, je visais à nous faire peur à tous les deux!

- WOUUUH! Aboyai-je avec force.

Mon souffle chassa la flotte qui ruisselait sur sa figure, alors que dans le même laps de temps, je redressai son fichu membre! Pour le coup, la douleur éprouvée fut au moins aussi forte pour lui comme pour moi! Je serrai des dents pendant que je retournai à ma place. Ce ne fut qu'une fois installée que je me rendis compte que j'étais toujours en mode nudiste. Mon mal s'étant légèrement estompé, je pus recourir à mon illusion vestimentaire. De là, d'autres mots s'élevèrent, annonçant un chant accompagné d'un "ne pas déranger"!

- Ah oui?! et ce sera quoi la suite?! Maugréai-je alors que je m'accoudais à nouveau sur le rebord.

Quant à savoir ce qu'était un chant, je l'appris à mes dépends! Encore ces syllabes étirées, comme lorsqu'il était sur le rafiot. Alors c'était ça, son soin? Franchement, il ne craignait point de voir son bras se décrocher puis se barrer telle une chenille affolée?! Ma foi, c'était son problème après tout.. A mesure que le temps s'égrainait, mon menton s'en alla s'affaler dans le creux de ma main gauche, pendant que la droite reposait sur bois. Peu à peu, manifestant mon ennui grandissant, mes doigts sur mirent à tapoter la surface dans un ordre bien précis. L'auriculaire, l'annulaire, le majeur, l'index et le tranchant du pouce. Une fois la série achevée, la boucle reprenait, et ce, de plus en plus vite. Les paupières en partie baissées, je le regardais comme un chien regarde une saucisse! Et ça n'en finissait plus.. tellement que ma tête, si lourde, s'enfonça dans ma paume, déformant bouche et menton. Mes ailes pendaient de chaque côté de mon buste, comme si tout mon être se liquéfiait.

- Je m'emmeeeeeeeeeeeeeeeeeeerde.. Finis-je par geindre.

Entretemps le courant nous avait fait dériver, nous éloignant du bâtiment que nous venions de fuir. C'est alors que je vis de la fumée noire, mais noire! s'élever depuis l'île de Chaara-khole. Du feu! Ne pus-je m'empêcher de penser. D'un bond je fus débout, et mes yeux s'agrandirent encore lorsque je vis une seconde île flottant dans les airs! Si si je vous assure, elle vole! Et tout comme elle, je me retrouvais désormais en suspension, à trois mètres au-dessus du canot. Les bras raidis et tendus vers l'arrière, j'étais littéralement hypnotisée! Mais qu'est-ce que je faisais encore là moi?

- Hein?!

Le môme avait dit quelque chose, mais sa voix se perdit dans la tornade qui sévissait en moi. Me concernant, le chemin était tout tracé, le feu m'appelait! Mais comme j'avais besoin d'un solde tout compte à l'égard du barbouillé, j'entrepris de l'aider à grimper dans le youyou. Je me précipitai donc vers la rame à bâbord, la délogeai, et en plaçai la pale juste sous son vêtement d'ébène qui enflait sous les remous de l'océan. J'attendis qu'il s'y accroche, pas trop non plus hein! puis je m'assis à l'autre bout du manche afin de faire contrepoids. Son habit détrempé l'ayant alourdi, je fis usage de mes ailes pour me faire plus pesante encore. A l'instar d'un tape-cul, il finirait par avoir une vue plongeante sur ma personne. Dès lors, il lui suffira de se laisser glisser jusqu'à moi! Une fois l'action terminée, je n'aurais plus qu'à tailler la route. Il y avait du feu quoi, du FEU! sur tout un versant de l'île en plus! pas question de rater ça!

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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Jeu 10 Fév - 22:17

Assis sur le banc, torse nu et parsemé d'algues, je devais faire peine à voir. Le visage abattu et baissé, je regardais mon vêtement participer au détrempage de la barque à grosses gouttes. Je prenais conscience que je l'avais vraiment échappé belle...et que plus jamais je ne prendrai la mer ! J'avais vu assez de flotte pour le restant de mes jours... Profitant de ce petit moment d'accalmie, je me mis à vérifier mon inventaire.

Mes poignards répondaient toujours présents, ouf. Je les posai à côté, histoire qu'ils sèchent un peu quoi, tout comme j'allais le faire avec les autres objets que je portais. Pendant ce temps là, je repensais au comportement de la fée par rapport à mon bras. Elle n'avait pas accéder tout de suite à ma demande par rapport au redressage de mon os. Je souris à ce souvenir. Toujours à me farfouiller, je constatais que mon piccolo était là aussi. La pauvre, je me mis un instant à sa place, cela avait dû être horrible. J'aurais sans doute fait pareil, dire beurk, puis jamais de la vie, puis je suis obligé ? avant de le faire, à contre cœur. Je retrouvai un vieux mouchoir en tissu que j'essorai. Par contre je ne comprenais pas pourquoi elle s'était presque jetée sur moi, les seins ballotant, accolant son visage contre le mien pour m'aboyer dessus au point de faire fuir quelques gouttelettes. J'en étais à quelle poche déjà ? Ah celle de mon pantalon. D'ailleurs, maintenant que j'y pense j'aurais dû avoir plus mal non ? Quelques nitsed's tombèrent dans des cliquetis.

Je fronçai soudain les sourcils en scrutant la fée. Elle était de nouveau habillée. Mon totem avait un problème ou quoi ? Était-ce seulement possible ? Je trouvai des billes dans mon autre poche, je les regardai, haussai les épaules puis les jetèrent par dessus mon épaules. Pas besoin de ces trucs me dis-je. Mon chant s'était déroulé sans interruption, je souffrais mais je sus y arriver à terme, d'autant plus que voir la fée se liquéfier d'ennui aurait pu me distraire. Mes doigts trouvèrent quelque chose de mou, pâteux. Je les ressortis vivement, inquiet. Des morceaux grisâtres, jaunâtres les recouvraient. Je fronçai de nouveau les sourcils puis me souvins, c'était les restes de ma carte. Je retournai ma poche pour l'en vider. Pour me hisser à bord, la fée avait utilisé la rame comme levier. Je cru tout d'abord qu'elle avait voulu m'empaler, tellement ses gestes avaient été fébriles. Un peu plus et j'avais des côtes cassés. Mais il était temps, un peu plus et je coulais de nouveau d'épuisement. J'empoignais la barre solidement, enfin surtout de celui valide car pour l'autre, j'étais encore craintif de l'utiliser. Mais je fut obligé de m'en servir car assez vite je me retrouvai dans les airs, le souffle coupé par la barre. Quand je la vis lutter de toute ses force pour me maintenir hors de l'eau, je me laissai glisser maladroitement puis chuter dans le bateau, manquant de peu de l'aplatir. J'allais encore me faire des bleus... Commençant à grelotter, j'avais décider de retirer mon haut.

Prenant conscience de ma semi nudité, je me rappelai d'un coup qu'elle pourrait voir les vestiges de ce que je fus autrefois. J'hésitai puis choisi de lui expliquer brièvement mon histoire.

- Je... heuu...je. moi...  j'étais comme toi avant, lachais-je mal à l'aise. J'en avais des aussi belles, en pointant du doigt ses ailes, la gorge nouée. Les larmes commençaient à me monter aux yeux. Je battais des cils frénétiquement, pour les retenir J'ai été capturé par des enfants. Ils, ils me les ont enlevés ! Regarde, regarde ce qu'ils m'ont fait terminais-je en pleurant à flots. Je ne l'aurais sans doute pas dit en temps normal mais là, toute la pression se relâchait.

Il fallait que je me calme, on ne pouvait plus rien y faire de toute façon. Je m'efforçai de penser à autre chose, à m'oublier. La fée ne m'avait répondu pour Mirdo. Parfait, allons sauver une autre âme.

- Mirdo, on va le chercher ? Après tout il t'avait sauver en t'empêchant de t'écraser, tu lui en dois une !
l'incitais-je en reniflant et me mouchant bruyamment dans le tissu humide posé un peu plus tôt, avant de lui indiquer la route une nouvelle fois.  Par là, je l'avais vu par la fenêtre tu te souviens ? et je peux aider à ramer, ce sera vite fait, promis ! puis, histoire de l'encourager j'ajoutais. On ira où tu voudras après. Pour prouver ma motivation je pris une des rames, l'expression sérieuse, et commençai à battre l'eau. Mais pourquoi on avance pas ? demandai-je penaud, tandis que je continuai ma manœuvre.

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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Ven 11 Fév - 15:12

Affalé comme il l'était, on aurait dit une grosse araignée ramollie au vinaigre! Couché sur le plat de la pale, il finit par se laisser glisser comme un vieux slip moite, avant de se crouter juste à côté de moi dans un bruit visqueux. Du barbouillé, il ne restait plus qu'une loque détrempée à peine capable de s'exprimer. Ma tension retomba peu après, réveillant la douleur qui ne m'avait point quitté. La main à nouveau posée sur mon épaule bleuie désormais cachée par ma robe illusoire, je me relevai. L'air grave, je scrutai l'horizon. L'immense colonne de fumée qui culminait jusque dans les nuages m'appelait de ses voeux. Je n'aspirais qu'à la rejoindre, mais outre le mal qui pulsait dans tout mon être, je me sentais vide, rincée.. Je ne me comprenais guère, la seconde d'avant je frétillais, alors que maintenant.. je m'effritais! Peut-être avais-je trop donné, que mon corps ne suivait plus. Je pouvais toujours m'accorder quelques secondes de repos, mais quelque chose me disait que ce n'était pas ça. Enfin.. pas uniquement cela! Surtout que j'avais déjà pris le temps de me poser tout au long de la phase d'ennui que le dénudé nommait: chant. Alors pour.. attendez une minute! Comment ça dénudé? Ah ben oui, du coin de l'oeil je remarquai effectivement que le gosse s'était dessapé! Au vu de la répugnance de sa peau, ce n'était surement pas pour me faire du charme, à supposer que je puisse comprendre ce genre d'approche. Il grelottait, ce que je pouvais vaguement admettre. Comme pour s'occuper, ou bien se convaincre qu'il menait une vie normale et bien rangée, il se fit les poches.

Je ne m'en préoccupai point, les bricoles qu'il en sortait n'avait aucun intérêt pour moi. Et je pense que même si elles en avaient eu, je n'aurais guère plus réagi.. Un poids venait de prendre place dans mes viscères, me poussant à la question. Le regard perdu dans le vide, je me laissai aller à la réflexion. Déjà l'ennui me gagnait.. pourquoi je me sentais aussi pathétique? c'était nul, pénible, frustrant et surtout.. chiant! Heureusement, ou pas.. le gamin coupa court à ce flot insensé. Il balbutiait avoir jadis été comme moi. Ben voyons! ce qui voulait dire? voler dans l'assiette du voisin? verrouiller les latrines? mélanger du fil à couture au fromage d'une fondue? remplacer un pavé de viande bovine par une semelle de cuir? Ah ben non! pas exactement. Des aussi belles.. avait-il gémi. Hein? et pourquoi il chouinait d'abord, j'étais si terrible que ça? Aussi belles que quoi? Mes bêtises? mes mèches? je doutais sur ce point.. Mes mains? mes dents? mes fesses? Quoi, QUOI?! M'impatientai-je dans un mutisme qui ne me ressemblait point. Quand j'eus remarqué son doigt, je compris, mais ne parvins guère à faire remonter l'information. Mon cerveau, alors prit entre le scan qu'il faisait de mon état et cette confidence, se mit à bogué! Saturée, j'optai pour l'écoute plutôt que la déduction.

Lentement mais surement, à mesure qu'il racontait son histoire, mes mains, y compris celle qui refusait de quitter mon épaule, allèrent se refermer sur mes hanches. Je me tenais désormais face à lui, le regardant s'aplatir sous le poids de la honte. D'abord droit, mon profil se cassa en deux, un peu comme son bras avant que je ne lui remette en place. Je pliai et pliai encore, à tel point que je pus le fixer dans le blanc des yeux malgré le fait qu'il lorgnait ses pieds. Mon expression trahissait mes pensées. Décontenancée, je songeais: Plumé par une bande de moutards? Ayant déjà vu une gamine arracher les ailes d'un papillon pour simplement se poudrer le nez, l'énoncée de ce genre de comportement ne pouvait me surprendre. C'était plutôt le fait qu'il se soit laissé faire qui me rendait perplexe. Se pouvait-il qu'il soit aussi jeune qu'il en avait l'air? Si je l'avais jusque là pris pour un mioche, c'est parce que je le croyais humain. Mais en tant que fée, il pouvait trainer des siècles derrière lui! Je doutais cependant qu'une vieille carne centenaire puisse se laisser ainsi déposséder. Surtout que.. avec ce que je savais de mes aïeules, elle serait incapable de vivre sans ses précieuses membranes. Elle choisirait la mort plutôt que l'humiliation de l'exil racial! A mes yeux, seul un enfant pouvait s'adapter à cette fatalité.

Quand il fondit en larmes, sa poitrine chut sur ses cuisses, portant à mon regard figé, un reliquat qui me fit frissonner. Je ne voulais pas toucher, ce serait comme accepter que cela puisse aussi m'arriver. Je me relevai donc, puis alla m'assoir juste en face de lui. J'imaginai la souffrance qu'il dut ressentir, ainsi que le bruit au moment où ses ailes le quittèrent. A côté de ça, les crabes n'étaient qu'un moindre mal.. La peau de mes bras et jambes prit du relief, à un point tel qu'une poule en éprouverait de la jalousie. Ce n'était pas ma vie, mais je me sentais concernée. De plus, il faisait partie de mes ancêtres.. Oui, dit comme ça c'était bizarre! Je comprenais à présent les lumières qui dansaient dans ses prunelles chaque fois qu'il me reluquait. Une question idiote me traversa, mais je la passais sous silence. Pourquoi retournerait-il en Silmarïen dans un état de ruine aussi manifeste? La solidarité des fées s'arrêtait à la frontière de leurs ailes. Elle pouvait tolérer bien des choses, mais surement pas ça. En outre, j'aurais réagi comme lui. J'eus un élan de compassion, et une soudaine envie de lui faire découvrir les bienfaits d'une existence comme la mienne. Mais sa soudaine reprise de parole me fit basculer cul par-dessus tête!

- Regarde là-dedans s'il y a une brique! Avais-je vanné après lui avoir exposé ma petite caroncule lacrymale.

Quand mon index quitta la base de mon oeil, mes bras se croisèrent, désapprobateurs. Lui en devoir une? il en avait de belles lui! Je n'étais tributaire de personne, PERSONNE! Si j'avais perdu la vie, c'est que c'était mon jour. Qu'il m'eut rattrapé était son problème, surement pas le mien! Il l'avait vu par la fenêtre, et alors? Aider à ramer, ce qui impliquait que je devrais le faire aussi?! Puis vint le chantage, oui oui carrément! On ira où tu voudras après. M'avait-il promis. Et alors qu'il s'acharnait sur une rame pour faire des ronds dans l'eau, je me fâchai, toute rouge!

- Dis donc le déplumé! tu te prends pour qui à me dire ce que je dois faire?!! Je l'avais littéralement chargé jusqu'à le couvrir de mon ombre. Postillonnant, je poursuivis sans lui laisser la liberté de surseoir à ma soufflante. Qu'est-ce que tu fais de ce que TOI tu me dois, HEIN?!! Si je m'appuis sur ta logique, je t'ai sauvé la peau en quittant le rafiot, en te tirant du fond, et en te faisant remonter, ça fait trois fois! comment tu comptes me rembourser? petit prétentieux va! C'était tellement ridicule.. si je l'avais secouru c'est parce que je l'avais décidé, il ne me devait rien, pas plus que je ne devais quoi que ce soit à Mirdo. Me le demander aurait été suffisant! Or, il me l'avait imposé avec son "tu lui en dois une!" et son "on ira où tu voudras après.". Et il n'y a pas de ON, fichu garnement! si je veux aller quelque part, j'y vais sans rendre de compte à personne, TU PIGES?!! Terminai-je en lui faisant les gros yeux.

Je ronchonnai des paroles incompréhensibles quand je fis demi-tour pour aller me visser sur le banc d'assise située au plus près de la proue. Je lui tournai le dos, je ne voulais plus le voir pour le moment! Préférant reprendre le cours de mes pensées avant que son histoire d'ailes perdues ne s'en vienne l'éclipser, je plongeai mon visage dans mes mains. De là, comme si la colère m'avait ouvert de nouvelles portes, je revis ma capture tomber dans le feu.. Mon coeur se serra, et quelques larmes coulèrent. Cette fumée noircissant le ciel de Chaara-khole provoqua en moi deux sentiments contraires. L'excitation pour le feu bien sûr, mais aussi ce souvenir, ce meurtre dont j'étais l'auteur.. Je refusai jusqu'alors de l'admettre, mais cet épisode m'avait profondément traumatisée. Aussi, je résistai à l'envie de contempler l'horizon. Je devais m'occuper, n'importe quoi, mais il fallait que j'échappe aux assauts de ses cris, de sa mort..

- D'accord.. Bredouillai-je, sans voix.

Aider Mirdo valait bien autre chose, en revanche, il n'était pas question de ramer! On pouvait toujours monter le mât pour hisser la voile qui se trouvait dans la cantine. Mais venant d'apprendre qu'il était également une fée, suffisait à rendre cette solution caduque! Avec nos spaghettis dans les bras, ce n'était même pas la peine de l'envisager. Ah, et quand je disais qu'il n'était pas question de ramer, ça valait pour lui aussi, surtout après que j'eus assistée à sa prestation! Essuyant mon nez d'un revers de bras, je m'en allai ramasser la corde qui permit au garçon de s'accrocher, la dénouai de ses deux noeuds avec adresse, puis la déposai au centre du youyou. Tout ça, je le réalisai sans jamais me laisser gagner par l'horizon..

- Pas besoin de ramer.. Repris-je la gorge nouée par un mal contenu.

J'attachai grossièrement une des extrémités du cordage à la cheville du garçon. Je récupérai l'autre bout, le regardai un instant, puis m'envolai dans la direction supposée de Mirdo. La corde mesurait environ cinquante mètres, une longueur honorable pour ancrer le canot dans une zone poissonneuse et peu profonde. La pièce d'acier se trouvait également à bord, mais nous n'en n'avions guère besoin. Une chance, car nous aurions été incapable de la bouger! Lorsque je sentis une résistance, ce qui provoqua un élancement dans mon épaule gauche, je m'arrêtai. Sondant les environs, je trouvai une pointe rocheuse suffisamment proche de la surface pour y nouer mon lacet. Je revins à mon point de départ, empoignai la corde à présent tendue qui joignait récif et cheville, et ajoutai:

- Allez! ensemble! Intimai-je comme une véritable pirate. Puis je tirai, faisant ainsi voguer le youyou jusqu'au point d'ancrage.

L'effort, bien que présent, était moindre, bien moindre comparé à celui qui consistait à ramer. Une fois qu'on sera parvenu à destination, je n'aurais plus qu'à faire la navette et tout recommencer. Après si j'avais choisi la jambe du garçon plutôt que le banc, c'était surtout pour m'éviter un arrêt brutal une fois les cinquante mètres atteints. Tandis que là, son pied ne ferait que se dresser comme s'il voulait botter le cul de quelqu'un, m'alertant ainsi, tout en douceur, que je ne pouvais aller plus loin. Je considérai la petite tâche brune que je supposai être Mirdo. Si je ne me plantais point, cinq cycles seraient nécessaires pour l'atteindre.

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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Sam 12 Fév - 16:10

Elle semblait avoir eu du mal à comprendre ce que je racontai au tout début, à propos de ma ressemblance. En même temps je n'étais pas très clair dans mes premiers balbutiements mais elle ne m'interrompu point. Je crois qu'elle était sceptique au début, les mains sur les hanches, comme prête à intervenir si je disais une bêtise et sans doute même qu'elle ne me croyait pas, si elle avait réussi à me décoder. Toujours silencieuse, elle me laissa baragouiner mon récit. La tête baissé, je sentais qu'elle me dévisageai, qu'elle s'était même rapproché de moi. Trop honteux et mal à l'aise, je refusai d'établir un contact visuel, je ne voulais pas pleurer devant elle et tentai vainement de me retenir. Mais c'était trop dur. Je me recroquevillai sur mes jambes et la laissai témoigner mes dires en lui exposant mon dos. Je n'osai pas voir sa réaction, je ne voulais pas savoir : du dégoût ? de la tristesse ? de la pitié ? de la peur de subir un jour ce sort  ? ou bien du mépris de ne pas avoir su les protéger et d'avoir fuit comme un lâche ? Je la sentis simplement s'assoir en face de moi, sans doute pour me juger.

Le comportement de la fée changea quand j'évoquai la situation Mirdo. Une brique ? dans son œil ? mais pourquoi une brique ? je penchai la tête intrigué et sans comprendre.

- Non, non, il n'y a rien, lui dis-je timidement, pensant qu'elle voulait être rassurée.

La seconde d'avant elle me paraissait bienveillante et juste après, une vraie furie ! Effrayante !

- Mais, mais j'ai rien fait ! Complètement apeuré. Devant son ombre menaçante je lâchai la rame pour me couvrir la tête de mon vêtement . C'était mou, froid mais quand même plus rassurant. Et il me protégeait de ses postillons. Ben oui que je sais que je t'en devais plusieurs, dis-je d'une voix toute fluette. C'est pour que ça je disais qu'on fera tout ce que tu voudras. complétai-je en me ratatinant sur place. Mais, mais je l'ai fait ! Deux fois ! geignis-je tandis qu'elle me reprochait de ne pas lui en avoir fait la demande. Je me figeai à la fin de sa phrase et la regardai avec désarroi. Je la considérai un instant, suffisamment pour voir mon reflet dans ses yeux encore plus disproportionnés que d'ordinaire. Mais alors...tu vas m'abandonner ? Je vais encore me retrouver tout seul ?!

Elle grommela quelque chose que je ne compris pas, avant de bouder ? au devant du bateau. Je me relevai lentement et me rapprochai d'elle en rasant le sol. Je n'aimais pas les disputes et je ne voulais pas rester sur cette fausse note. Elle était bizarre mais je l'appréciais, je ne voulais pas qu'elle s'en aille. Le premier pas devait donc venir de moi surtout que je l'avais froissé, bien que je n'avais pas tout à fais compris pourquoi si ce n'était que, apparemment, j'avais fait un ordre. Je lui aurais bien fait un câlin en l'enlaçant mais je ne la connaissais pas assez bien pour deviner sa réaction. Je tentai alors une approche plus sécuritaire. Du bout des doigts je caressai le haut de son dos. Sa robe était drôlement fine car j'avais l'impression de la toucher à même sa peau. Elle finit pas lâcher un "d'accord". Mais un d'accord de quoi ?

Elle semblait avoir une idée en tête, aussi, quand elle commença à se déplacer, je m'écartai pour la laisser faire qu'elle voulait et la suivit, prêt à obéir. Elle récupéra la corde à laquelle je m'étais accroché un peu plus tôt pour me la nouer à un des pieds. Pas besoin de ramer avait-elle dit.

- Je dois aller dans l'eau et nager pour tirer la barque ? Lui demandai-je inquiet. Elle ignora ma demande pour s'envoler vers un rocher. S...Stop ! tu tires ma jambe, lui criai-je paniqué. Elle s'arrêta alors pour attacher le filin puis revenir vers moi. Elle empoigna le câble et m'incita à l'imiter. Je me mis à l'œuvre en tirant de toute mes forces, m'abimant les mains avec le frottement. Une fois dans sa lancée, l'effort devenait moindre. Elle répéta l'opération deux fois. Je m'osai alors à lui demander

- C'est encore loin ? La question était stupide, je voyais le navire un peu plus loin mais le silence m'était trop pesant. Soudain son "d'accord" fit écho, c'était donc pour ça. Je souris béatement, ravi qu'on puisse l'aider. Encore plus motivé, je lançai des "Ho hisse" quand la fée répéta l'opération. Alors qu'elle s'en allait, je pris brutalement conscience qu'elle pouvait partir à n'importe quel moment et l'angoisse commença à m'étreindre. Comment pourrais-je la retenir ? Je n'étais qu'un inconnu, qu'un gosse errant que personne ne voulait avoir dans ses pattes. J'avais souffert du départ de Crystal même si je l'avais accepté, puis subis celui d'Alkanor. Là, j'avais trouvé... une sœur ? Ça se garde non ? Entamant un nouveau va-et-vient j'attrapai son bras et me présentai

- Au fait, je m'appelle Meallán ! Lui-dis-je avec un grand sourire, m'attendant à un retour de sa part. Connaissant désormais mon nom, je n'étais plus un étranger, elle ne partirait pas comme ça, sans mot dire, n'est-ce pas ?  Je vois Mirdo mais on fait quoi si l'équipage se ramène ? En parlant des marins je me rappelais soudain paniqué, et si c'est la sirène ? on fait quoi ?!

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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Jeu 17 Fév - 16:43

La texture de la corde était désagréable au toucher, plus encore lorsqu'elle était mouillée. Placée devant le garçon, je donnai le rythme. Le récif improvisé en bitte d'amarrage se rapprochait rapidement. Je tirai une dernière fois avant de m'envoler pour recharger la distance! L'élan engrangé fit que le youyou continua sur sa lancée, nous faisant encore gagner quelques mètres. Je trouvai un nouveau point d'ancrage, plaçai la boucle que je n'avais pas jugé bon de dénouer autour de la pointe rocheuse, puis revins. Le coup de main était pris, le môme mettait même du coeur à l'ouvrage. Quant à moi.. j'agissais mécaniquement, comme détachée de la réalité. Je m'agitais à l'instar de la pulpe prise dans les tourbillons d'un jus d'orange, je montais, descendais, tournoyais, virevoltais.. J'essayai tant bien que mal de fuir ce cauchemar dont j'étais l'instigatrice. Craignant d'en être submergée si jamais je venais à m'arrêter, je poursuivis inlassablement ma besogne. Mes yeux ne voyaient rien, mes oreilles n'entendaient rien, mon nez ne sentait rien.. L'extérieur transitait uniquement par ma peau; la corde, le vent, l'eau.. toutes ces petites sensations qui se mêlaient, s'entrelaçaient, se tressaient, veillaient à ce que je me souvienne du pourquoi j'oeuvrais. Mirdo n'était qu'un prétexte, une occasion bienvenue pour m'émanciper de cette frayeur. Mais à mesure que j'avançais dans le temps, le faux-fuyant céda sa place au désir. Je n'eus point l'occasion de m'interroger sur la raison de ce changement, qu'une pression cercla mon poignet!

Alors que je reprenais mon envol, le garçon m'attrapa subitement! En conséquence de quoi.. ma routine s'effondra. Son geste intrusif me tira de ma torpeur, faisant ainsi remonter tout ce que je m'évertuai à ensevelir! Tandis que mon bras cherchait mollement à se dégager de son étreinte, mon visage miroitait la peur. Craignant que le pire ne s'abatte sur moi, comme si mes souvenir pouvaient se matérialiser à partir du néant, je me laissai surprendre par les quelques mots de mon vis-à-vis. Il ne se passa rien.. pas de cris, pas de feu.. juste le présent. L'ensemble de la situation me revint en pleine poire comme si je me mangeai une vague scélérate! La trouille se dissipa dans la seconde qui suivit sa phrase, et je m'apaisai. Bien que ce qu'il venait de me dire était dénué de toute consistance, je bus littéralement chacune des syllabes qu'il avait pu prononcer. Il me confia s'intituler Meallán, une origine somme toute prétentieuse! Car de ce que j'avais pu voir de lui jusqu'alors, c'était beaucoup de choses, mais surement pas la vitesse, alors se définir comme l'éclair.. Bon après j'aimais beaucoup juger sur la mine, peut-être qu'à une époque lointaine, où il pouvait encore brasser de l'air, c'était le cas. Ou bien ne me l'avait-il pas encore montré, mais tant que je n'aurais pas assisté à une démonstration digne de ce nom, je serais forcée de le renommer! Pouilleux me semblait pas mal.

Je ne répondis rien, et profitai qu'il me rendait ma liberté pour retourner bosser. Nous n'étions plus qu'à une demie encablure de Mirdo, et je n'avais pas l'intention de laisser le courant saper tous mes efforts! Je pris donc le temps de réfléchir à ce que j'allais bien pouvoir lui dire, ce qui était une première pour moi! "Ah ben c'est bien!", "Ouais ouais, si tu veux!", "Et alors?". Franchement, que pouvais-je rétorquer? et surtout, pourquoi m'avoir dit cela? si encore cette confidence avait contribué à faire évoluer notre situation, je ne dis pas, mais non.. Je grognai intérieurement, d'un côté de voulais sortir quelque chose de potable, et de l'autre, cela m'ennuyait profondément. Je revins pour aider à boucler le quatrième cycle, quand je remarquai Meallán, enfin.. le Pouilleux, en train de tirer avec acharnement. Je le rejoignis malgré tout, désormais derrière lui et ses quelques relents, je m'activai pour accélérer la cadence. Quand nous fûmes suffisamment proches, le garçon se déchargea sur moi en manifestant ses craintes. Et si ouin ouin ouin, et si ouin ouin! avait-il chigné. Je ne daignai même pas relever les raisons fournies! Pourquoi se préoccuper d'évènements qui ne s'étaient même pas encore produits? pensai-je. Il se prenait vraiment la tête à ce point là?

Je récupérai le noeud coulant lorsqu'on l'eut dépassé, puis je me plantai devant le garçon. - Commence par te resaper, tu es vraiment navrant à regarder! Son torse décharné, craquelé et stigmatisé commençait à me fiche le cafard. Et alors que ma main frottait machinalement mon épaule endolorie, je baissai la tête pour maugréer: - Je suis Énide.. Puis d'une voix plus claire, voir forte, je repris en fichant mon regard dans le sien. - S'il viennent, tu n'auras qu'à les meubler!

J'eus à peine fini que je m'envolai en direction du barboteur. Bien sûr, rien ne me permettait d'affirmer que la chute de l'armoire était de son fait. Cependant, j'avais assez d'expériences dans le milieu pour savoir que les pirates fuyaient la magie comme le kraken, alors oser se trimballer un gigoteur de doigts.. Plus je cogitai, plus j'étais certaine que nous étions les deux seuls jeteurs de sorts qui arpentions la zone. Il n'y avait donc pas de raison de flipper!

- oooooooOOOOoooooh!! Hurlai-je à l'attention de Mirdo qui flottait à dix mètres de ma position. Tu as pris le temps de te laver les mains au moins! Un puant à bord était plus que suffisant.

Le cordage avait encore assez de mou pour que je puisse amarrer le youyou au doigt du mort. Le nom de ce récif me faisait sourire, ah dès qu'il y avait le mot "mort" quelque part, tout de suite les gens s'inquiétaient, c'en était si divertissant que je passais mon temps à finir les phrases des uns et des autres par ce terme lorsque j'étais encore sur l'Inferno. Mais alors que je m'apprêtai à passer la boucle autour de la masse blanchâtre, celle-ci m'échappa.. Figés, mes yeux ne décrochèrent plus de la nappe sanguinolente qui ondulait sur la houle. Cela ne ressemblait à rien, mais la queue, encore relativement intacte, me ramena à cet instant où j'eus poussé la fée dans le feu. L'espace d'une seconde, je crus que mes tripes sortaient de mon ventre! Elle n'était pas ma cousine de race, mais elle faisait aussi partie de moi, de mon entropie.. J'avais causé la mort, une fois de plus! N'étant plus capable de faire quoi que ce soit de constructif, je rapetissai puis me laissai tomber comme une pierre.

-*Que m'arrive t-il..? pourquoi, POURQUOI?!!*

Serais-je damnée? se pouvait-il que la mort eut le béguin pour moi?! Je refusai de l'accepter! Aussi, quand j'eus sombré à plus d'un mètre de la surface, je fus prise de tremblements. Il me suffisait de lever les yeux pour contempler le corps bousillé de la sirène.. J'avais peur, une peur terrible! Je n'étais pas une tueuse, et ne voulais surtout pas l'être. Que ce soit volontaire ou non, un trépa demeurait un trépa! J'étais quoi désormais, hein?!! que devais-je faire..? partager le destin de mes victimes? ça ne résoudrait rien, mais au moins je n'aurais plus à m'en soucier.

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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Ven 15 Avr - 15:42

Le filin pernicieux - Page 2 Mirdo10

Il avait froid, et comme pour agrémenter cela, cette eau avait un gout affreux ! Comment cela pouvait-il être si beau, et si infecte à la fois ? Rebaptisé "La sueur de Kirenna" par ses soins, Dörim, alias Mirdo sur Astrune, sentait qu'il ne tiendrait plus très longtemps. Malgré la clémence de la météo, le courant qui serpentait sous la surface insistait pour le faire lâcher prise. Sans oublier l'agitation ! le remous avait beau être au petit soin avec les navires, à l'échelle d'une bouche ou d'un nez, c'était juste infernal ! Il y avait toujours une goutte insidieuse pour se frayer un passage jusque dans sa gorge. Dans le cas où il survivrait à cette liquide expérience, le sel sera à jamais banni de ses repas ! La sensation dans ses mains avait également changé, et pour cause, la peau habituellement lisse et tendue de ses paumes, avait absorbé tellement de flotte, qu'elle finit par enfler jusqu'à se gondoler. Par cette étrange alchimie, la roche à laquelle il se cramponnait se faisait de plus en plus glissante, pire encore, il avait l'impression d'essorer son derme chaque fois qu'il assurait sa prise. Et lorsqu'un endolorissement prit ses aises dans le giron de ses articulations, Mirdo sentit la fin approcher. Il savait ne pas pouvoir respirer dans les profondeurs océaniques, et que par conséquent, il mourrait dans la panique la plus abjecte ! Tout était si noir là-dessous, qu'il appréhendait déjà ce moment...

Et comme un malheur n'arrivait jamais seul, voilà qu'une masse sanglante s'écrasait sur sa gauche ! Croyant l'espace d'une seconde que les moussaillons allégeaient le bateau en vue de le dégager de son carcan, Mirdo se méprit sur l'origine de la barbaque en question... Mais quand quelque chose le piqua au niveau de son abdomen, son attention abandonna le pont supérieur du navire pour se focaliser sur cette chose qui n'avait de cesse de l'irriter. Cela ressemblait étrangement à une queue de poisson, et les épines qui bardaient son extrémité veillaient à rendre son séjour en mer plus désagréable encore ! En tout cas, si l'on se fiait à la taille du cabillaud, ce n'était pas la famine qui les emporterait, ironisa l'ancien Dieu. Quand il comprit, il se dit qu'il n'aurait jamais dû détailler ce tapis de chair... Ce fut d'abord un artifice, un bijou de femme, qui fit taire sa nature taquine, intrigué, Mirdo finit par considérer la forme dans son ensemble. Des cheveux ?! S'alarma t-il. Oui, à l'autre extrémité, deux parures similaires aux épluchures d'une banane, flottait chacune de leur côté, s'il elles n'avaient pas été toutes deux prolongées par une coiffe de couleur châtain, l'ex Divinité n'aurait pas cherché plus loin. Peut-être y avait-il encore un espoir pour cet être, se dit-il. Peut-être qu'il s'était juste cogner un peu trop fort. Sirène ou pas, il ne pouvait laisser agoniser quelqu'un aussi près de lui dans une complète indifférence. Aussi repoussa t-il sa queue afin de faire pivoter son corps de façon à ramener sa "tête" vers lui. Décidément, il n'aurait jamais dû faire ça !! Complètement écharpée, la silhouette flottante de l'Ondine laissa place à l'horreur lorsqu'il s'avéra que son visage, fendu dans son milieu, voguait à l'opposé de son jumeau. L'intérieur de ce qui restait de sa boite crânienne était vide de toute substance, seule demeurait une trainée de matière céphalique qui caressa subtilement la peau de son bras. Il n'en fallut guère plus à Mirdo pour frapper frénétiquement la surface de l'eau ! Il s'agitait dans l'idée de repousser cette nappe sanguinolente, mais le courant n'était pas résolu à lui donner gain de cause... Aussi, à défaut de ne pouvoir lutter, il hurla de toutes ses forces. Il hurla sa peur, son dégout, son épuisement, il hurla tout ce qu'il pouvait hurler !

Une fois l'air entièrement chassé de ses poumons, Mirdo se laissa gagner par la fatigue, si bien qu'il sombra dans l'inertie. D'une seule main il se tenait, tandis que l'autre brassait mollement le bain dans lequel il trempait. Il ne vit même pas la chaloupe qui se rapprochait de lui... Quand tout-à-coup, un cri survint ! Secouant brusquement la tête à cette voix qui l'interpelait, l'homme crut reconnaître la Fée qui ferait pâlir Lourina. Une fois proche, le doute fut définitivement écarté, c'était bien elle ! Même pas besoin de la voir, il n'eut qu'à entendre sa tirade pour s'en convaincre. A celle-ci, il eut d'ailleurs une réponse toute faite :

- Oh oui... Souffla t-il en préambule. Jusqu'aux os !

Pensant qu'elle allait surenchérir, la surprise le gagna lorsque la créature se figea. A son instar, elle fut choquée par ce qui flottait non loin de lui, mais contrairement à sa crise de panique, la Fée laissa s'échapper son cordage, rapetissa, puis chut dans l'océan. La barque étant désormais toute proche, Mirdo réunit les quelques forces qui lui restait pour s'y accrocher. Enroulant son bras droit autour d'une des attaches que l'on destinait aux rames, il plongea sa main gauche dans l'écume qu'il venait de créer. In extrémis, il parvint à se saisir de la demoiselle, sauvant ainsi la malheureuse d'une bien triste noyade. Il ne savait pas grand chose de cette Fée, mais il planait en lui la certitude que la perte de son tempérament décalé, suffirait à rendre le monde plus insipide. Avec prudence, tout en veillant à ne pas l'écraser comme un fruit mûr, il finit par la déposer dans le canot, juste avant de céder sous le coup de la fatigue, retombant ainsi lourdement dans les flots... Par miracle, ou par accident, Mirdo parvint à remonter, puis s'agrippa à la base de l'embarcation. C'était trop dur, il ne pouvait pas se hisser à la seule force de ses bras. Le jeune garçon n'avait toutefois guère besoin de s'en soucier, à savoir que l'homme pouvait parfaitement se contenter d'être tracté. Du moment qu'il prenait garde à ce que la pale de sa rame ne s'en vienne point le heurter, il devrait pouvoir tenir. Les yeux rougis et la vision trouble, Mirdo ne fit pas le rapprochement entre cet enfant, et celui qui fut tantôt repêché sur le navire. En fait, à ce moment, il n'eut pas vraiment le loisir de le disséquer du regard, alors le reconnaître...

- Vous pouvez ramer... Grogna t-il essoufflé. Je tiendrais !

L'incertitude devint audible sur ce dernier point. Il tiendrait, ça oui, mais surement pas jusqu'à la terre ferme...

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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Lun 18 Avr - 11:09

Je sentais bien qu'elle n'allait pas bien dans sa fée. Depuis qu'elle m'avait grondé dessus, elle me semblait comme ailleurs même si elle guidait et faisait bien les choses. L'agripper pour me présenter semblait avoir coupé ses pensées, sans doute un peu trop violemment car je ressentis de sa part un vif stress. Quand je le vis dans ses yeux et qu'elle cherchait à se dégager de moi, je regrettais instantanément mon mouvement brusque dû à mon égoïsme et la lâcha. Je m'en voulais d'avoir cédé à cette pulsion mais il me sembla que mon acte l'avait un peu réancré dans l'instant présent. Elle resta cependant silencieuse et reprit ses aller-retours. Connaitre mon nom ne l'avait sans doute pas intéressée et ne voulant surtout pas la bousculer une nouvelle fois dans son intimité, je n'osai pas lui demander son identité ou autres informations personnelles. Parler de banalités, enfin plutôt de mes craintes avec des "si cela arrivait" me paraissait pas trop mal pour relancer une conversation, bien qu'une nouvelle fois elles étaient encore liées à mes états d'âmes... Impayable j'étais, j'aurais dû lui demander comment elle allait, se sentait ? au lieu de tout centrer sur moi... Je commençais à me sentir honteux jusqu'à ce qu'elle m'incite à me rhabiller. Trop heureux d'entendre le son de sa voix je m'exécutai. Le tissu était encore bien humide mais pas grave ! Elle me parlait ! Et quand je finis elle se présenta enfin à son tour, Énide qu'elle s'appelait. Je connaissais son nom, on était plus des inconnus maintenant, je souriais jusqu'aux oreilles. Elle me répondit ensuite sur mes craintes

- Les...meubler ? Répétai-je bêtement tandis qu'elle repartait dans son ballet de va-etvient. Je me creusais les méninges pour comprendre. Une lanterne s'éclaira dans ma tête. Ah mais... Tu fais allusion au piano c'est ça ? Je me serais bien gratté la nuque avec gêne si je n'étais pas occupé à tirer sur la corde. Heuu comment dire, ça c'était plutôt un heureux hasard...Pas sûr que ce soit ça la prochaine fois...

Enfin on arrivait près de Mirdo, Énide l'apostropha sur notre présence. Elle en profita même pour vanner sur sa propreté. Me sentant visé, je me regardais coupable et me demandais si j'étais encore très sale... Stoïque, l'homme lui répondit que oui il était impeccable et en gros, pas qu'un peu.

La fée allait terminait le dernier ancrage quand elle se figea et lâcha sa corde. Les évènements se déroulèrent trop vite pour que je puisse faire quelque chose. Le temps que son action se termine et qu'elle monte à mon cerveau, elle avait déjà rapetissé et tombé dans l'eau.

- ÉniiiIIIIDE !!!!!! Hurlais-je en me rapprochant du bord du bateau, la cherchant des yeux, Monsieur Mirdo, attrapez la ! Vite ! S'il vous plait !

Je ne comprenais pas ce qui était arrivé à la fée. Je fouillais de mon regard les eaux rougeâtres pour tenter de l'apercevoir. Rougeâtres ? Mais comment ça ? Enfin je vis les restes d'un cadavre. J'eus un violent haut le cœur, c'était horrible, dégoûtant ! Notre barque, toujours emporté par son élan se rapprocha du naufragé. Crachant le soudain surplus de salive dans ma bouche, j'aidai Mirdo à s'accrocher. Il repêcha Énide et la déposa dans le youyou. Craignant qu'elle s'étouffe avec un trop plein de liquide dans sa bouche, je déplaçai son corps sur le côté, de cette façon elle devrait pouvoir expectorer sans gênes. Accroupie, le visage près d'elle, je dégageai ses cheveux trempés de son visage,  je vérifiai qu'elle respirait bien, que son souffle revenait à un rythme normal. Si besoin j'étais prêt à tapoter son dos pour l'aider. Elle me paraissait mal en point, recroquevillée sur elle même, je lui demandais si ça allait.

M'assurant qu'elle était hors de danger, je laissai la boule de fée se remettre et tentais de remonter Mirdo à bord. Impossible, encore moins sans Énide. Le pauvre était clairement épuisé. Comme moi quand j'avais le bras cassé, il se contentera d'être accroché. Je m'assurai alors que la rame ne  le heurte pas. Il dit qu'il pourrait tenir et qu'on avait qu'à ramer. Je me mis à l'œuvre et me souvenant que tout à l'heure je n'avançais pas, je lui demandais conseils pour savoir comment m'y prendre.

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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Ven 29 Avr - 13:20

Les yeux clos, je sombrai lentement dans le boyau étroit d'un puits obscur. Je le savais sans fond, mais le laissai m'avaler.. Bien malgré moi, je m'étais tournée en monstre, je ne l'avais pas choisi, ni même voulu, mais les évènements avaient parlé. La petite Énide avait tué à deux reprises, et sa conscience, ayant désormais les rênes bien en main, comptait lui faire payer au prix fort. Le poids de la culpabilité me lestait tant et si bien, que mon corps envisageait déjà de disparaitre dans les abimes de l'océan. Mais une masse large et puissante s'abattit sur moi, un peu comme le ferait un filet sur un papillon. Ma moitié gauche se retrouva plaquée contre une texture molle et rugueuse. La force gravitationnelle me retint jusqu'à ce que la fraîcheur de la brise ne s'en vienne resserrer mes pores! Puis la lumière traversa mes paupières, leur donnant ainsi une teinte crimson. Un gros plouf fit office de point final à ce curieux enchainement qui m'avait fait me retrouver dans le youyou. Je n'ouvris pas immédiatement les yeux, j'avais besoin d'un instant pour me remettre de mon fleurte avec la dépression. J'étais choquée, là-dessus, pas de doute possible. Seulement, je devais aussi me dire que ces deux trépas, si horribles soient-ils, ne furent qu'accidents. Je n'avais prémédité aucun d'entre eux, et par conséquent, je devais accepter que notre monde était ponctué par ce genre de tragédie. Plus d'une fois j'eus manqué de périr, la chance avait fait que je m'en étais sortie, mais si j'avais trépassé, je n'en voudrais à personne, pas plus que ces deux là devaient m'en vouloir. Une bien piètre tentative de conciliation avec la fatalité.. J'avais beau faire des boucles de ce plaidoyer, le verdict; condamnée à déprimer, fut tout de même prononcé.

Je m'en voulais de m'en vouloir, mais pouvais-je seulement fuir ce que j'étais? Reposant sur le bois du canot, je demeurai recroquevillée, sourde à toute approche, presque amorphe.. Mes ailes flasques collaient à mon dos, mes bras sans force enlaçaient mes jambes, et mon visage cachait sa honte derrière un rideau de cheveux. Quant à la douleur qui siégeait sur mon épaule, arborait désormais le faciès du démon qui se riait de moi. Tapant du pied au rythme de mon coeur, le déchu veillait à me faire souffrir tant moralement que physiquement. Mais alors que je dérivai dans les méandres de la mélancolie, une pression au niveau de mon front m'extirpa de cette parallèle. Poussée par mon insatiable curiosité, mes paupières se hissèrent, révélant ainsi mon état d'esprit au travers de mes yeux noyés par le chagrin. Sans un mot, je considérai l'inquiétude du garçon, qui par son geste, me permit de la voir. Il venait d'écarter mes cheveux au moyen de son doigt, il fut par ailleurs si précautionneux que je ne ressentis point l'ongle qui aiguisait son extrémité. Je me souvenais à présent qu'il avait lui aussi perdu quelqu'un, mais à ma différence, c'était un être cher. Son élan de compassion était déroutant si l'on se souvenait de la manière dont je l'avais délesté du corps de son amie. Entre ça et mes autres.. crimes, je me rendais compte à quel point je pouvais être abjecte. Mes yeux grands ouverts ne cessaient de le regarder, tandis que ma bouche frémissante se tordait indépendamment de ma volonté. Je crus d'abord à une grimace, mais quand une larme chaude et piquante se décrocha du coin de mon oeil pour aller s'écraser lourdement sur le parquet du youyou, un sanglot incontrôlé me submergea. Je plongeai la tête dans mes genoux, puis me laissai envahir par cette insondable tristesse. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivais, et pourtant, je succombai volontiers à cet assaut..

Cela dura un temps que je ne saurais définir, puis mes larmes cessèrent brusquement lorsqu'une question, qui en plus ne m'était même pas destinée, fut posée. Recouvrant mon plein potentiel, je me dépliai, relevai, et m'agrandis. Dévoué, ou simplement idiot, Meallán se proposait de ramer, en contrepartie, il requérait un petit tutoriel auprès de Mirdo sur la manière dont il fallait s'y prendre pour ne pas dessiner de nouveaux ronds dans l'eau. La marine, c'était MON domaine, comment ne pouvait-on pas me concerter? La lèvre inférieure surexposée, je tapotai, avec seulement un doigt, l'arrière du crâne du futur rameur afin qu'il relève la désapprobation qui campait sur mes traits.

- J'ai dit quoi tout à l'heure? M'annonçai-je d'une voix ronchon. Pas question de ramer! PAS.. QUESTION.. DE.. RAMER! Radotai-je en m'approchant du bord de façon à ce que je puisse voir le naufragé qui barbotait.

Le gars était lessivé, rincé, vider de son énergie. Je n'eus qu'une phrase à ce que je voyais!

- Dis-donc toi. Repris-je sèchement. Tu as découvert une nouvelle manière de couler, et tu souhaites nous la partager? Dans le même temps, j'attrapai la corde que j'eus tantôt lâché, et entrepris de ramener toute sa longueur dans le canot. Une fois le cordage détrempé remonté, ce qui esquinta d'avantage ma pauvre épaule, je m'envolai avec son extrémité pour attacher le bonhomme. Je vous épargne la procédure, disons simplement que j'ai longuement virevolté afin de lui confectionner un harnais de fortune visant à le soutenir par les aisselles. Haletante, je demandai à Meallán: - Aide-moi à la tendre, tire tout ce que tu peux! Lorsqu'il s'exécuterait, ce que je supposais qu'il ferait, je nouerais son milieu sur le banc central du youyou.

Contrairement aux apparences, mon but n'était pas de l'empêcher de couler, même si cela y contribuait, mais de l'aider à monter à bord. Désormais harnaché, je rapetissai, m'envolai à plusieurs mètres en surplomb, tout en faisant abstraction de cette masse sanguinolente qui me rappelait combien j'étais traitre à ma propre cause, puis incantai un nouveau tremblement de mer. Je faillis oublier le garçon dans cette histoire, aussi lui criai-je de ma toute petite voix: - Cramponnes-toi! A partir de là, le youyou, et tout ce qui y était rattaché, commença à en ressentir les effets. Je tentai de contrôler au mieux l'eau qui enflait puis se creusait en réduisant au maximum la zone d'effet. Quand je tins le bon bout, la barque se lança dans un rodéo des plus exaltants! Tantôt inclinée vers l'avant, tantôt inclinée vers l'arrière, jusqu'à ce que l'angle d'inclinaison passe le cap des quarante degrés, cela ressemblait d'avantage à une attraction touristique. Lorsque la proue s'enfonça profondément dans les flots, inondant en partie le youyou, Mirdo fut arraché à l'étreinte de l'océan, lequel finit par s'écraser sur le rebord de la poupe au terme de la huitième oscillation. Je cessai immédiatement de crainte qu'il ne retombe.

- Allez aide-moi à le tirer! Intimai-je à l'attention de Meallán après avoir repris ma taille XXL.

L'embarcation s'enfonçait dramatiquement dans l'eau de part la quantité de flotte qu'elle contenait, ce qui risquait fort de nous handicaper pour la suite..

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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Lun 25 Juil - 14:04

Partie 1/2 :

Lorsque le pauvre Mirdo fut repêché au prix de quelques hématomes, Meallán s'empressa, au moyen de ses mains, de vider l'eau qui menaçait la ligne de flottaison du youyou. Il récoltait se qu'il pouvait au creux de ses paumes, puis jetait sa prise par-dessus bord. Quand la frénésie finit par prendre le relai, cela donnait l'impression qu'il cherchait à éclabousser l'océan. Une vision presque bienvenue si l'on prenait en compte le corps déchiqueté qui flottait non loin, et ce qui se préparait sur le pont du navire qui masquait le soleil de son imposante silhouette. Car oui, à bord du Fëalókë morë, face à son impuissance pour aider son capitaine à retrouver le chemin de la conscience, Randar entreprit de châtier les morveux qui voguaient en contrebas ! Avec son idée bien en tête, le second de Xune disparut durant plusieurs minutes dans le ventre du bâtiment. A son retour, c'est armé d'un canon qu'il se dirigea jusqu'à la balustrade tribord. D'un regard noir, il signala aux hommes encore valides de s'occuper de la mise à feu ainsi que de la recharge de l'arme. De son côté, tout ce qu'il avait à faire, c'était de maintenir la bouche à feu pendant qu'il viserait, puis encaisser la détonation. Randar était costaud, mais pas au point de pouvoir transporter un canon à même de cracher des boulets de dix-huit kilos, aussi se contenta t-il du plus petit calibre, mais pouvant malgré tout propulser des munitions de près de trois kilos à plus de huit-cents mètre de distance ! La masse du cylindre environnait les quatre cents kilos, et en dépit de cette charge, le géant le manipulait comme s'il n'était question que d'un morceau de bambou. Quand les pirates comprirent les intentions de Randar à bombarder le gosse et le clandestin, tous s'activèrent à l'épauler dans sa démarche.

Au coeur de la chaloupe en revanche, les choses allaient beaucoup plus lentement. Mirdo pouvait à peine bouger tant il était épuisé, si bien que Énide dut l'aider à se retourner pour ne pas qu'il se noie. Quand soudain ! une déflagration ! un sifflement, et une explosion dans l'eau à seulement deux mètres du youyou ! Surpris par la puissance du recul, Randar tira un peu trop haut, ce qui ne fit que frôler la cible qu'il souhaitait atteindre. Dans moins de quarante secondes, le canon sera de nouveau prêt à faire feu, et sur ce second essai, il était peu probable que Randar manque son coup...


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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Mar 26 Juil - 0:05

J'étais assis, les mains sur les rames, prêt et concentré à exécuter les directives de notre passager. Trouvant mon interlocuteur lent à me répondre, je le relançai avec un timide - M'sieur Mirdo ? J'fais comment ? , mais rien, pas de retour. Je finis par supposer qu'il était trop épuisé pour donner de la voix, j'osai alors un - pouvez-vous répéter s'il vous plait ?. Occupé à tendre l'oreille devant moi, je ne m'aperçu pas du mouvement dans mon dos. Le tapotement sur mon crâne me fit sursauter, accélérant vivement le battement de mon petit cœur. La voix ronchonne mais familière d'Énide me fit comprendre que cette "attaque" provenait d'elle. La frayeur s'en alla aussi vite qu'elle était venue tandis que je me tortillai pour la suivre du regard, à la fois étonné et rassuré, bouche bée.

- M...Mais, mais...tu... bégayai-je ne sachant par où commencer. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle se remette aussi vite sur pied ! Heuu..d'accord ? semblait être la réponse qu'elle voudrait à son radotage. Et heu, ça va ? J'avais rangé mes rames pour la suivre bêtement, ne savant comment lui être utile. Je m'inquiétais aussi de savoir si elle avait complétement reprit ses esprits mais je ne savais pas comment aborder le sujet, et si elle se fâchait ? La façon dont elle s'adressa au pauvre monsieur Mirdo me rassura suffisamment sur son mental. J'en profitai aussi pour regarder notre passager et compris immédiatement pourquoi je ne l'avais pas entendu tout à l'heure... il était plus qu'épuisé, proche de la noyade en fait, je comprenais l'utilisation du terme "couler" d'Énide... Il fallait faire vite, paniqué, je fis de mon mieux pour aider la fée en tirant aussi sur la corde tout en lançant régulièrement des - Tenez bon M'sieur Mirdo !. Elle avait avant dû faire une sorte de filet autour de lui et à présent, on pouvait le hisser à bord ou plutôt mieux le maintenir. J'avais regardé sa manœuvre, tracassé, je me rongeai les ongles tandis qu'elle virevoltait autour de lui. J'avais peur qu'il lui arrive une nouvelle fois cette sorte de crise et que cette fois-ci, Mirdo ne puisse pas la rattraper. Je n'étais clairement pas un bon nageur, comment ferai-je pour la sauver si cela arrivait ? Nerveusement je lui avais lancé plusieurs fois des - ça va aller hein ? Si ça va pas, reviens dans le youyou ! La tâche lui avait été ardue, mais mes quelques encouragement l'avaient aidé, ou cassé les oreilles, je ne sais pas, j'ai un doute... C'était à présent, aussi mon tour de tirer la corde, c'était le moins que je pouvais faire et pourtant je n'étais sans doute pas doué. Le filin me faisait mal aux mains, j'avais envie parfois de tout lâcher. Il fallait que je tienne bon mais c'était dur. J'alternai la pression un peu plus sur une poigne quand la douleur me semblait insupportable sur l'autre. Mais comment elle faisait la Énide ?! Craignant de ne vraiment pas pouvoir tenir, je tirai sur mes manches pour protéger mes paumes. C'était plus supportable mais la force manquait. La fée avait forcément dû ressentir mes coups de mou et à ma grande honte, devoir les compenser... Je me sentai minable...

Énide entama un nouveau manège qui fit bouger le youyou comme le navire de Xune. Heureusement qu'elle m'avait dit de m'accrocher ! Je ne m'étais cependant pas empêché de chouiner un - mais qu'est-ce que tu fais ?!  J'avais l'impression de monter, descendre, monter. Mes fesses décollaient du banc pour réatterrir lourdement. Je grimaçai, imaginant les courbatures du lendemain. Je ne comprenais pas la finalité mais je voulais que ça finisse vite, je commençai à me sentir barbouillé... Puis, à la je ne sais plus combientième vague, ce fut finalement Mirdo qui vint à nous, en s'échouant sur le ventre, telle une otarie, au dessus la poupe. Hélas il avait aussi emporté avec lui une inondation. Ce fut donc ralenti par l'eau dans mes pattes que je me déplaçai maladroitement pour aider Énide à le tirer le plus loin du bord possible. C'était lourd un adulte humain ! Sa main que je tirai était glissante, je tentai alors la manche mais ce ne fut pas terrible et il me semble même qu'il y ait eu un craquement, les coutures sans doute... J'essayais alors plutôt les bras, soulever aux aisselles. En imitant Énide, on finit par réussir.

Mirdo me paraissant en sécurité, je m'attelai à retirer le surplus d'eau du youyou. Jetant un coup d'œil à droite à gauche, je devais me résigner à ce qu'il n'y ait pas de contenant pour m'aider... Joignant mes mains, je me dis que ça ferait l'affaire... Les remplissant d'eau je m'évertuai avec entrain à l'enlever de plus en plus vite, c'était ma mission, je pouvais le faire ! Me rendant compte que ça risquait de prendre du temps, je demandais à Énide si elle pouvait m'aider, puis je me dis pensivement qu'elle avait peut être une méthode plus rapide pour s'en débarrasser. J'allais lui poser la question quand, un geyser nous éclaboussa. Je m'arrêtai net dans ma tâche et hébété, je demandai pourquoi l'eau revenait. La réaction d'Énide devrait rapidement me faire comprendre que ce n'était pas du tout normal. Dès que l'origine du danger serait identifiée, je ne verrai pas quoi faire d'autres que proposer de... nager vite, mes pouvoir étant absolument inutiles face à un boulet de canon... Énide pourrait s'envoler et la vitesse me permettrait certes de courir sur quelques mètres sur l'eau mais que faire pour Mirdo ? Les secondes s'écoulant, je proposerais finalement à la fée de faire de nouveau bouger leur navire pour empêcher le tir du canon.

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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Jeu 28 Juil - 6:03

Pendant que je saucissonnais Mirdo, je ne prenais pas garde aux palabres inutiles du gamin. Cela avait beau partir d'un bon sentiment, la situation actuelle ne me permettait aucun laisser-aller! Aussi, après que j'eus secoué tout ça, nous tirâmes l'homme à bord de notre infortunée chaloupe. Détrempé comme il l'était, sa masse, déjà fort pesante pour nos petits bras, manqua de me les déboiter pour de bon avant d'enfin se rétamer à nos pieds. Ce n'était plus qu'une loque à peine capable de veiller à sa propre survie, si bien que je dus m'esquinter le dos pour le retourner avant qu'il ne se noie de la plus lamentable des façons! J'entends encore mes vertèbres grincer sous le poids de l'effort.. Le garçon aurait pu m'y aider, après tout, c'était lui qui voulut à tout prix sauver ce guignol! mais non, il estima plus important de vidanger le youyou au moyen de ses mains riquiquis. Je roulai des yeux en le voyant s'agiter, à ce rythme, il aurait plus vite fait de la boire! Ajouter à l'aspect ridicule de la chose, il était si maladroit qu'il en laissait s'échapper la moitié avant d'éjecter les quelques gouttes restantes dans le grand bain. Habituellement je l'aurais vanné pour ça, mais j'étais présentement si essoufflée, que je ne pouvais piailler autre chose que des sons grotesques.

Voutée telle une mamie peu éveillée, je recouvrais progressivement mes sens, et avec eux, la douleur qui zonait dans mon épaule. Machinalement, je la masquais de ma paume comme pour l'empêcher de s'étendre. J'abaissai les paupières, puis inspirai profondément. Non, ce n'était point de la méditation, juste un moyen simple et efficace de calmer mon palpitant. Et juste au moment où je retrouvais un semblant de sérénité, un sifflement très caractéristique raidit mes ailes qui, jusqu'à cet instant, pendaient le long de mon dos! La distance fit que la détonation me parvint juste avant que l'eau n'explose au contact du boulet. Je compris immédiatement ce qui était en train de se passer, mais je n'imaginais guère découvrir le grand balèze faire office de batterie. Je saluais vite fait son ingéniosité pour nous réduire en bouillie tout en se préservant d'une estocade magique. Je mettais son tir manqué sur le compte du meuble qui lui était tombé sur le coin du crâne, et dont la bosse rougeâtre luisait sous les rayons de l'aube, c'est dire à quel point il était cabossé! Je finis par me retourner complètement afin de voir les mousses s'afférer à la recharge du canon. Ils étaient désorganisés, et brassaient beaucoup d'air, mais malgré cela, je savais qu'un nouveau coup partirait dans les prochaines secondes!

L'effervescence gagna alors mon esprit, et les scénarios s'enchainèrent.. M'envoler et provoquer un nouveau tremblement de mer auraient pour conséquence immédiate de me plonger dans le coma. J'avais déjà beaucoup donné au cours de cette dernière heure! Et en admettant que je m'y risque, le temps que l'océan se déchire sous la seule force de ma volonté, la bouche à feu aurait largement l'occasion de cracher son molard avant même que le navire ne commence à tanguer! Pire que cela, les vagues vitaminées pourraient déloger le rafiot de son récif, permettant ainsi à ce dernier de nous prendre directement en chasse, en supposant bien sûr qu'ils parviennent à réparer la barre.. Pour des raisons évidentes, cette idée était à bannir! Je pouvais aussi le soumettre à la malédiction de la robe, mais il en connaissait déjà les effets.. de plus, je devinais une telle hargne dans sa démarche pour nous vaporiser, que rien ne saurait le détourner de son objectif! Quant au pantin désarticulé, cela ne valait même pas la peine de l'évoquer.. et pour cause; le mastodonte était aussi raide qu'un piquet! Mon sort ne lui ferait ni chaud ni froid. On pouvait toujours sauter à la baille, mais entre l'un qui se noierait, et l'autre qui coulerait pour se noyer aussi, la mort ne les raterait point! Il restait une dernière chose à faire, mais celle-ci me rebutait tellement que je refusais encore d'y songer..

J'avais déjà fait plus que ma part pour ces deux zigotos! Je pourrais simplement m'envoler et les abandonner au passé. Seulement voilà, je n'avais encore jamais fuis le danger auparavant, j'étais beaucoup de choses, mais surement pas une couarde! Je ne leur devais rien, mais ne rien faire les condamnerait inéluctablement, et contrairement à la fée dans le feu, et la sirène en charpie, je serais pleinement responsable de leur trépa.. Saurais-je alors vivre avec pareille enclume sur la conscience? Hélas, la solution que j'entrevoyais ne valait guère mieux que la fuite.. ce n'était tellement pas.. moi. Le cul entre deux chaises, je dus pourtant me décider. Soit je me tirais sans me retourner tout en me bouchant les oreilles, soit j'allais contre ma nature en malmenant ma chair! Dans les deux cas, aucune des conclusions ne me convenait.. Aussi terrible que pouvait être cette inspiration sortie tout droit des enfers, je me disais sournoisement que ça me ferait une expérience de plus, à supposer bien sûr que j'en réchappe. Peut-être même serais-je capable de braver la mort elle-même si l'on m'affirmait que je pourrais en revenir, c'est que je tenais à la vie moi!

-*Si je réussis cette folie, ils m'en devront une grosse!!* Avais-je songé seulement dix secondes après le crash du boulet dans la flotte.

Je réfléchissais très vite, parfois même trop vite! et si jusqu'alors cela m'avait permit de survivre et de m'amuser, cette fois là, je fleurtais carrément avec la mort! Selon vous, qu'est-ce que j'allais faire? Voler jusqu'au navire pour me livrer à une nouvelle entropie? Foncer sur le balèze avec mes petits poings pour armes? Tenter de tracter le youyou? Naaan, rien de tout ça! Ce fut donc sans un mot que j'arrachai une des dagues qui pendait à la ceinture du garçon, puis m'élançai en toute hâte en direction du navire! Je volai en rase-motte avant de bifurquer sur la gauche afin que les gars sur le pont ne puissent me suivre du regard. Dans un recoin de mon esprit, je ne cessais de compter afin d'estimer le temps qu'il me restait avant la prochaine détonation. Le onze résonnait déjà au moment où je remontais de la quille jusqu'au pont supérieur. Je finis par atterrir dans le bordel qui s'était amoncelé lors de l'accident. De ma position, je percevais le géant de profil à tout juste quinze mètres. Ils avaient sans doute pensé que j'avais fuis, et comme j'étais du genre insaisissable, ils n'allaient point s'hasarder à me chercher pendant que les deux autres prendraient la poudre d'escampette! L'idiotie avait aussi ses limites. Toutefois, le temps que le réunisse mon courage pour mettre mon plan en application, les secondes continuaient de filer.. vingt-deux, vingt-trois, vingt-quatre. Cela additionné à ma réflexion précédente, donc pas loin de trente-cinq secondes, je fus forcée de constater que le chargement du canon arrivait à son terme. Je n'avais plus le loisir de tergiverser..

Le geste imprécis à cause de la tremblote, je plaçai la dague de façon à ce que le bout dangereux pointe vers le ciel. Quand je m'eus assuré de sa stabilité, je m'assis en surplomb de l'arme d'une façon telle que lorsque je me laisserais tomber dessus, la ferraille puisse forer ma chair jusqu'à rompre mon rein droit.. Plus que tout, je redoutais la douleur, mais lorsque j'entendis une grosse voix intimer "Amorcez!". Je sus que le balèze se mettait à viser le youyou et ses occupants, il ne lui restait plus qu'à dire: 'Au boutefeu!" et la déflagration s'en suivrait. Je me remémorais la fée, puis la sirène, et ce qui adviendrait d'eux si je continuais à lambiner sous mes sueurs froides. Cela suffit à me vider la tête et à me faire basculer vers l'arrière.. Mes tripes se soulevèrent, et le temps se ralentit. Plus aucun son ne me parvenait, seul demeurait le ciel qui se faisait de plus en plus terne à mesure que je chutais. Quand la pointe glaciale entra en contact avec ma peau, je voulus renoncer! Mes yeux étaient écarquillés de terreur, et pourtant, je ne vis jamais aussi mal qu'à cet instant. Alors que la douleur s'abattait sur moi comme la foudre fend un chêne, des bandes noires brouillèrent ma vision, me faisant craindre le pire.. J'avais déjà eu mal par le passé, mais cette fois là je compris à quel point le supplice de la mort était unique. Une souffrance dont on n'est jamais censé se remettre, une souffrance qui nous invite à nous éteindre pour ne plus l'éprouver. Lorsque j'eus terminé de m'empaler, je chus sur mon flanc gauche, la lame fichée à la base de mon dos. Je n'avais qu'un désir désormais, mourir, mourir le plus vite possible afin de me libérer de cette torture!

Mais je me souvins aussi que je ne m'étais guère donnée tout ce mal à des fins suicidaires! Je tenais à la vie, bien plus qu'à la mort en tout cas.. jusqu'à ce que la douleur me refasse douter, je dus alors puiser dans une ressource qui m'étais jusqu'alors inaccessible pour arracher le poignard de mon râble. Je n'étais plus suffisamment consciente pour relever le fait de si j'avais crier ou non. Je me souvins juste voler comme une abeille sonnée en direction du baraqué, la vue embrumée par l'obscurité des abysses, évitant de peu un gringalet qui tenta de m'attraper. Oui.. j'avais ma plus grande taille, je pense que c'est important de le préciser. Puis je finis par m'agripper au colosse. Je crois me souvenir qu'il hurlait "Au boutefeu!" au moment où je déchargeais sur lui tout mon fardeau! Cela me sembla durer une éternité, si bien que je crus avoir trépassée avant que mon sort ne puisse faire son effet. Mais au dernier battement de cils, les bandes noires avaient disparu, et avec elles la douleur qui m'assaillait de toute part! C'était vraiment une idée à la con! mais que pouvais-je faire d'autre? M'entailler la jambe? ou le bras? sur un gars comme lui? cela n'aurait fait que le chatouiller! Il fallait un mal à la hauteur de sa stature, un mal si présent que son tir raterait une nouvelle fois sa cible, un mal si pur qu'il nous préserverait de tous les suivants. Seul bémol, après un tel écart, je demeurai à la merci de tout ce beau monde.. trente secondes pour me remettre, c'était vingt-neuf et demie de trop!

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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Mer 3 Aoû - 12:22

Le filin pernicieux - Page 2 4410

Partie 2/2 :

Sa tête le lançait, mais il les tenait présentement dans sa ligne de mire, aussi vociféra t-il l'ordre : - AU BOUTEFEU ! Et tandis qu'un abruti semblait s'échouer sur sa droite, le Mioche vinrent s'agripper à lui. Ce fut du moins ce qu'il crut avant qu'une douleur insondable ne le fasse se cabrer ! Dans la folie de l'instant, Randar lâcha son précieux canon qui alla s'écraser sur son pied. Il hurla si fort que le navire manqua d'imploser. La main soudée à la base de son dos, le géant vacilla, puis s'effondra. Le plancher trembla sous le poids de son corps. De peu, il manqua également d'aplatir la responsable de ses maux. Par ailleurs, s'il venait à lorgner sur sa gauche, Randar y verrait alors la Fée qui s'était risquée à hausser le ton contre son capitaine. Mais il n'en fit rien, le visage déformé par ses tribulations, son regard plissé demeura rivé vers le ciel. Du sang se mit à ruisseler sur le pont, s'échouant en goutte à goutte jusque dans l'océan dix mètres plus bas. Désarçonnés par l'évènement, les forbans s'agitèrent à l'instar d'un serpent auquel on aurait coupé la tête. Sans le Dragon des mers, ou son second, pour les diriger, qui prendrait les décisions ? Ainsi mise à mal, l'intelligence collective avait la fâcheuse tendance à enchainer les bourdes. Tandis que l'un se saisissait violemment du bras de la Fée, l'autre s'interposait afin de savoir ce qu'il convenait de faire. S'en suivit une succession d'interventions qui miroitait parfaitement le chaos qui arpentait l'esprit de chacun. Randar aurait tellement voulu se lever pour le simple plaisir d'expédier tous ces incapables directement à la baille. Mais son agonie était telle que son corps refusait de bouger...

Et alors que l'équipage s'embarquait dans une baston généralisée, nul ne fut en mesure de remarquer la bonne dizaine d'oiseaux qui les survolèrent, subjugués par la panique ! Ils piaillaient à s'en rompre les cordes vocales, puis disparurent en direction des terres. Le Mioche, toujours auprès de sa maman, caressant inlassablement ses longs cheveux blancs, sentit quelque chose à son tour, le genre de sensation qui vous met en alerte sans prendre le temps de vous en préciser la cause. A contrecoeur, mais aussi poussé par la curiosité, celui-ci se releva, puis se laissa gagner par l'horizon bâbord. Et bien qu'il ne remarqua rien d'inquiétant, il finit par déceler une toute petite tâche sombre dans la grisaille d'un nuage, à peine plus grosse qu'une déjection de mouche sur un mur blanc. Celle-ci semblait s'approcher, jusqu'à ce que de tous petits cris ne lui fasse comprendre de quoi il était question. La chauve-souris ! c'était la chauve-souris ! Egalement effarouchée, la pauvre bête alla se cogner contre ce qui restait du mât, avant d'être sauvée d'une chute mortelle par le jeune garçon qui ne l'avait point quitté des yeux.

Mirdo avait lui aussi remarqué la détresse des oiseaux, mais fut incapable d'en comprendre la signification. C'était à peine s'il avait réagi au coup de canon, alors soupçonner un danger confié par de la volaille... c'était au-dessus de ses forces. Cependant, à peine le Mioche eut-il planqué le petit animal dans son vêtement, comme il avait pu le voir faire avec la femme blonde, qu'une puissante explosion retentit dans le lointain, et avec elle un flash lumineux si intense qu'il était préférable de s'en détourner pour ne pas finir aveugle ! Un souffle de force trois s'en suivit, faisant grincer le navire de toute part. Encore un peu, et il chavirait ! Soudainement, on se serait cru en plein mois de Pyros tant il faisait chaud. Et comme pour justifier cette température, le carré de voile le plus haut perché s'enflamma. Terrorisé, le Mioche se recroquevilla sur sa maman, allant presque reproduire le schéma de la chauve-souris en cherchant à se protéger de ses vêtements. Et même s'il ne voulait pas l'entendre, une voix cauchemardesque survint des hauteurs...


Le filin pernicieux - Page 2 Minuit10

- Tu l'as poussé, tu l'as écouté, et tu l'as abandonné à la mort ! S'annonça une Fée à l'aspect carbonisée en louchant sur sa cousine de race.

Encore hébétés par le choc de flammes qui manqua d'embraser le Morë, les hommes qui se chamaillaient la seconde d'avant, demeurèrent sans réaction face à cette apparition d'un autre monde. La créature avait beau ne pas être grande par la taille, il émanait d'elle une puissance qu'un galion de quarante-huit canons ne saurait égaler ! Aussi la sérénité de pont était assurée le temps de son passage, si toutefois celle-ci se limitait à faire la causette, sans quoi, il serait tous perdus...

- Énide, c'est là ton étiquette ? Sais-tu au moins comment s'appelait celle que tu as capturé, avant de la faire brûler ?!

La vengeance pouvait s'entendre dans sa voix à la fois éteinte et éraillée, et bien qu'elle n'était plus la Fée qui fut la victime d'Énide, celle-ci comptait lui faire payer au prix fort l'état dans lequel elle avait mit le corps qui lui servait aujourd'hui d'habitacle. Sa véritable mission était certes autrement plus importante que d'équeuter une misérable Fée, mais l'esprit de celle a qui appartenait autrefois cette enveloppe était si déterminé, qu'elle devait avant tout l'apaiser pour ne plus avoir à s'en préoccuper. S'immolant entièrement, elle finit par ajouter :

- Un dernier mot ?

Elle devait faire vite, mais ce n'était point une raison pour ne pas y prendre un peu de plaisir, car Vi pouvait se trouver n'importe où, et qui pouvait dire combien de temps elle allait devoir sillonner les terres avant de la trouver ?

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MessageSujet: Re: Le filin pernicieux   Le filin pernicieux - Page 2 Icon_minitime1Mer 3 Aoû - 19:33

Trempé par l'immense éclaboussure, je regardai Énide en quête de la réponse à ma question. Elle semblait à la fois pensive et concentrée, regardant au loin. Je me voyais mal réitérer mon interrogation face à son intense réflexion et prévoyais plutôt d'attendre qu'elle sorte de sa sorte de transe pour le faire. Je tentai tout de même ma chance en regardant Mirdo mais fut déçu, pas de retour non plus, il était aussi amorphe qu'un ver de terre... Mes yeux me piquèrent soudain à cause de la salinité qui tombait dedans, je ne pu donc m'empêcher des les frotter, mais ce fût pire que mieux avec mes mains encore ruisselante de la mer... Lorsque les picotements s'atténuèrent enfin, ce fut pour constater que la fée s'était rapprochée de moi. Je n'eus même pas le temps de couiner un "qu'est-ce que tu fais" qu'elle me dépossédait d'une de mes dagues adorées et qu'elle s'envolait à toute vitesse vers d'autres cieux.

- Où tu vaaaaaas ?!!!!!!!! lui lançais-je désorienté et inquiet par son comportement. Est-ce qu'elle nous abandonnait ? En avait-elle marre de nous ? Ma vision était encore un peu floue avec mon frottage mais après plusieurs battements de cils et froncement de sourcils, je réalisai enfin qu'elle s'était dirigeait vers le navire de Xune. Mais pourquoi faire ? Ma vue enfin réajustée je me rendis compte de l'agitation anormale sur le bateau. Mes mirettes grandes ouvertes, et probablement rouges, ma bouche formant un beau cercle, je venais de comprendre que le geyser était lié à un boulet de canon qui nous avait raté. La silhouette imposante à bord m'informa en plus que c'était l'œuvre du balèze. Et il était évident qu'il n'allait pas lâcher l'affaire. La panique me submergea totalement. Je secouai Monsieur Mirdo comme un prunier sans quitter du regard le bateau : ON VA MOURRIIIIIIIR !!!!

Je m'attendai à une détonation puis au néant. Mais rien. Je ralentissai alors mon ébranlement jusqu'à l'arrêter. On va vivre ? osais-je d'une toute petite voix timide. Puis ce fut une certitude. Cela me parut évident d'un coup, elle avait embroché le colosse avec ma dague super coupante ! J'hurlai à plein poumons pour qu'elle m'entende, debout et les bras en l'air : ÉNIIIIIDE !!!!! T'ES TROP FOOOOORTE ! J'espérai un retour de sa part, du style : j'l'ai eu ce gros tas ! À la place, ce fut les piaillements bruyants d'une nuée d'oiseaux qui passaient par là... Mécontent, je voulais seulement qu'ils dégagent ! Oust ! leur criai-je. Je voulais voir la fée moi ! Pour l'accueillir en héros comme il se doit ! D'ailleurs ne se faisait-elle pas un peu trop désirer ? Elle tarde beaucoup, pensais je. Elle ne serait quand même pas...coincée là-bas ? confiai-je soucieux à monsieur Mirdo. Cette éventualité me stressait et lorsqu'elle me devint plus que probable, je paniquai une nouvelle fois. Comment on la sauuuve ?!

Une puissante explosion retentit. Effrayé, je cru forcément à un tir de canon même si je ne voyais plus l'armoire à glace, je me recroquevillai immédiatement. La lumière soudaine fut si intense que je ne pouvais que clore mes paupières, mettant mes mains devant pour davantage de protection face à cette agression. Une forte rafale de vent suivit, secouant vivement le youyou. Lorsqu'elle cessa, je me relevai pour observer. La température avait augmenté considérablement, tellement que le haut du navire brûlait. Je suai tandis que mon vêtement séchait... Une silhouette volante et sombre s'était rapprochée du bateau, on aurait dit une fée, mais était ce seulement possible ? Je secouai la tête pour me remettre les idées en place. Seule Énide devait compter ! Je m'apprêtai à attraper une rame quand résonna dans ma conscience la voix ronchonne de la fée : PAS.. QUESTION.. DE.. RAMER! Mais je faisais comment alors ? Je regardai mes mains puis me décidai, j'allais les utiliser comme outil pour brasser l'océan, d'un côté d'abord du youyou puis de l'autre. J'arrive Énide !

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Le filin pernicieux

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